mercredi 16 octobre 2013

identité

Alain Finkelkraut, France inter 15 octobre 2013

            Une dame qui vit en banlieue le déplore : elle est entourée de gens qui ne parlent pas le français, de femmes voilées et ne se sent plus chez elle. Alain Finkelkraut reprend le témoignage. « La faute de la gauche a été d’abandonner cette femme au Front national ».

            Je vis dans la Goutte d'Or, je suis entouré de gens qui ne parlent pas le français, de femmes voilées et pourtant je me sens chez moi et je vote à gauche. Socialiste, pour être plus précis.

            Quand l’intégration fonctionne, elle passe par une intégration sociale (famille, école, travail) et par l’adhésion aux valeurs d’accueil. Intégration dans la citoyenneté par les adhésions politiques : le socialisme et le communisme, le syndicalisme, en France…). Quand l’intégration est refusée, et l’on connaît les multiples facettes de ce refus, elle se produit quand même, mais elle répond à la brutalité du refus par les ruses des faibles. Ainsi, aux États-Unis, le modèle dominant dans les classes du même nom était celui du WASP. (White anglo-saxon protestant). Les Noirs ne pouvaient pas devenir blancs, les Chicanos ne seraient jamais anglo-saxons, les catholiques ne souhaitaient pas devenir protestants. Pour se hisser jusqu’aux lieux de pouvoir, il fallait passer par des réseaux communautaires. Les syndicats étaient « communautaires », catholiques, protestants, irlandais, polonais, les églises ne l’étaient pas moins, et Irlandais, Polonais et Italiens ne fréquentaient pas les mêmes paroisses. Qui dirigeait ces rassemblements pouvait peser sur la politique. New York et Tammany Hall furent symptomatiques de cette politique communautaire. D’où ce paradoxe, pour devenir américain, il fallait s’intégrer dans des communautés religieuses ou nationales séparées. D’autres régions du monde ont connu les mêmes développements. En Irlande du Nord, il fallait être protestant pour accéder aux affaires et à la politique. Pour s’intégrer dans les affaires et la politique, il fallait que les catholiques utilisent leur identité catholique comme moyen de lutte et de développement.


            Sans lâcher un pouce sur la laïcité, il faut admettre que la montée du communautarisme est d’abord un manque, une défaite, des processus d’intégration. Finkelkraut est bien placé pour étudier ce manque. Professeur à l’École polytechnique, il peut constater que les futures élites de la nation se recrutent dans une couche très mince de la population française. 

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