En juin 2011, nous avons tapé randonnée vélos électriques (à assistance), un site apparut, une maison d’hôte à Condom, qui recevait des invités, leur louait des VAE (vélos à assistance électrique), et organisait des balades dans une région riche de vignes, de villas gréco-romaines, d’abbatiales, de cathédrales, de couvents, de tumulus et de routes départementales. Cette maison se nomme « Les Angelots », ce qui à Condom, ne manque pas d’épices. Enthousiasmés par cette description, par la perspective de visiter une région vallonnée interdite aux muscles affaiblis par l’âge, l’alcool, les mauvaises graisses et une vie dépravée, nous avons retenu un paquet cadeau comprenant trois nuits aux Angelots, deux journées de randonnées sur VAE, trois petits déjeuners, trois repas du soir avec apéritifs et vins tout compris. Pour une somme raisonnable.
Sur le chemin de Condom, nous nous sommes arrêtés devant une église portant le nom de « Notre-Dame des cyclistes ». Une ancienne chapelle transformée en lieu de pèlerinage vélocipédique. À l’entrée du chemin, un arc de triomphe en porte le nouveau nom. Au bout du chemin, une grille d’entrée dessine en fer forgé la silhouette de deux draisiennes avec guidon extérieur dont peuvent se saisir les cyclistes pour une photo en situation. Les vitraux racontent le chemin de croix des sportifs à deux roues. Jésus-Christ grimpe le Tourmalet, le Pic du Midi, meurt au Mont des Alouettes et ressuscite aux Champs-Elysées. Devant l’église, une statue en pierre blanche de la Vierge Marie , toute neuve, bénie par le champion André Darrigade, remercie les cyclistes de respecter la Terre , création de Notre Seigneur. Photo d’Hélène sur VAE près de la Vierge. Sur un banc face au jardin de l’église, sont assises deux personnes âgées, très âgées même, avant on disait des vieux, maintenant on dit quatrième âge. Le monsieur dit à Hélène qu’il vient souvent ici avec son épouse car il a été coureur cycliste, champion amateur, mais il n’a pas voulu faire carrière car c’était un milieu pourri. Il aurait pu être professionnel et participer au Tour de France, mais il a refusé, malgré les nombreuses propositions. Il aime l’idée d’une chapelle dédiée à Notre-Dame des cyclistes et je les prends tous les trois en photo, en train de discuter, ainsi que les vitraux et les draisiennes en fer forgé.
La gare de Condom n’existe plus, le train a expiré, les rails ont été remplacés par des coulées vertes. La voiture à assistance motorisée nous emporte. La route, le repas à Mont-de-Marsan où des travaux brouillent les souvenirs. Salades avec magrets de canard, toujours des magrets. Plus tomates, asperges, œufs durs, et magrets de canard. Gâteau basque ou salade de fruits en dessert. Se rappeler le quai Laboupillière, la maison d’hôte les Angelots que nous demandons en vain plusieurs fois jusqu’au succès à force de persévérance. Monsieur et madame Gheeraert sont mariés puisqu’ils portent le même nom encore que le hasard fait parfois bien les choses. Mais il est extrêmement rare, en tout cas, pour moi, c’est la première fois, et je pense que pour Hélène c’est pareil, que Dreant divorce de madame Dréant née Bricourt et se remarie avec une madame Dréant, divorcée de monsieur Chambrun, née Dréant. S’ils portent le même nom, ils pourraient vivre ensemble, en concubinage sans être remariés. Le nombre de gens qui divorcent et se remarient est étonnant, mais après tout, c’est leur affaire. Monsieur Gheeraert est en short et chemisette, Madame Gheeraert porte une blouse échancrée et un pantacourt. Ils devisent.
Il ressort de ces conversations que Monsieur Gheeraert était enseignant dans des écoles primaires, d’abord en banlieue parisienne, puis quand il a compris l’évolution des situations à Montfermeil et Tremblay, a demandé sa mutation en Bretagne, parce qu’il ne voulait pas que ses enfants se fassent régulièrement racketter. Il a donc acheté une maison en Bretagne, près de Saint-Brévin, face à la mer, l’inconvénient de ces maisons face à la mer, que souvent les passants envient bêtement sans savoir, c’est que les touristes qui se promènent sur le jetée, traînant un sac avec une serviette de bains et des pommades protectrices, souvent s’arrêtent et sans gêne, sonnent ou frappent à la porte, ou s’approchent de la pelouse où vous essayez de faire la sieste et vous demandent une adresse de restaurant, est-ce que vous faites chambre d’hôte, pouvez-vous nous donner un verre d’eau pour le petit et comment refuser un verre d’eau à un petit déshydratée ou à sa grand-mère non moins déshydratée ? Ce qui semble le paradis devient vite un enfer, sans parler bien entendu du vent qui emporte des tonnes de sable et toute la nuit, on entend battre les grains de silex contre les vitres, on ne rend pas compte, et bien sûr, il faut refaire la façade tous les ans et qui paye, d’après-vous ? Madame Gheeraert était contrôleuse financière d’une institution et quand elle a rencontré Monsieur Gheraaert, là j’invente, je complète la charpente à partir de quelques ossements épars. Dans la villa gallo-romaine, les fouilles ont mis à jour deux squelettes d’adolescents un garçon, une fille, le garçon passait son radius sous l’omoplate de sa bien-aimée et on les appelle les amants de Seviac et leurs squelettes attirent les regards des visiteurs émus qui expliquent à leurs enfants ou à leurs petits-enfants l’histoire de Roméo et Juliette, de Tristan et Yseult, de la Princesse de Clèves et d’Anna Karénine. Mais rien ne peut se prouver.
Madame a eu le coup de foudre pour Monsieur et a demandé une retraite anticipée pour partir avec Monsieur. Ils ont vendu la maison de Bretagne et ont acheté à Condom une maison en ruines qu’ils ont retapée, et transformée en maison d’hôtes où deux pièces attendent les vacanciers, plus un garage qui contient six ou sept vélos à assistance électrique (VAE). Cette hypothèse s’appuie sur le fait que Serge mentionne « mes enfants » et que Madame de même parle de « mes enfants », ils ne disent pas « nos enfants » qu’on utilise quand on a fait les enfants ensemble et pas avec d’autres. Pour les petits-enfants, c’est différent, on peut dire « nos petits-enfants » sans les avoir fait ensemble puisque de toute manière, même si ce sont de vrais petits-enfants, on ne les a jamais fait ensemble ou alors, c’est très lourd à porter, comme secret.
Nous n’en saurons guère plus. Madame a un fils dans la marine, il a passé presque un an sur la Jeanne d’Arc, et a plusieurs enfants qu’il ne voit pas grandir, il veut prendre une retraite anticipée et vendre ses compétences sur terre, pas loin de sa famille. Monsieur a des enfants aussi. Madame rêvait depuis longtemps d’accueillir des gens dans une maison d’hôtes et ils ont trouvé cette maison. Il s’entendent bien, Madame fait la cuisine, Monsieur s’occupe des vélos à assistance électrique, ils ont plein d’idées pour rendre le séjour des vacanciers le plus agréable possible. Et tout est bien.
La cuisine est bonne, provinciale, gersoise, écolo, fabriquée à partir de produits du terroir, à portée de main, épices poussant dans le jardin, éleveurs proposant leurs produits. Condom est une petite ville de sept mille habitants où de nombreuses associations organisent des fêtes. De cette région viennent les Mousquetaires du Roi, qui étaient trois plus d’Artagnan. Sur la place de Condom face à la cathédrale qui mérite quelques pas à l’intérieur, un sculpteur russe a offert un ensemble en bronze des quatre mousquetaires de Dumas, les épées penchées vers le sol, les pointes regroupées en grappe de bronze, jurant de s’entraider, le serment des quatre mousquetaires immortalisés par Dumas. Les passants se font prendre en photo au milieu des mousquetaires, certains se mettant en garde comme s‘ils étaient un cinquième mousquetaire à la recherche des ferrets de la Reine et bien entendu je me glisse parmi eux et Hélène me prend en photo, elle passera désormais en diaporama sur l’ordinateur de Biarritz et peut-être aussi sur l’ordinateur parisien.
Le Gers se spécialise en photos d’histoire. À l’Abbaye de Flaran, on prête aux enfants des habits de moine, capuches noires et robes de bure, qui courent dans le cloître en psalmodiant du rap grégorien. Les parents prennent des photos. Une animatrice raconte l’histoire d’un moine assassiné et les moines doivent retrouver l’assassin grâce à des indices. Il fait très chaud. À l’entrée de la Villa gallo-romaine de Seviac, des figures d’un seigneur romain et de son épouse, en robes d’époque, avec un trou à la place du visage et en plaçant le visage à la place du trou, on peut faire croire. Dans le village moyenâgeux de Larresingle, remis aux normes grâce à des bienfaiteurs de Boston récompensés par une plaque, à l’entrée du village, une silhouette en contreplaqué dessine un chevalier du moyen-âge, épee, armure, cotte de mailles, et à la place du visage, un trou. Derrière le contreplaqué, des marches permettent aux générations différentes et aux tailles diverses de se faire photographier en bouchant le trou de la silhouette par le visage, l’effet est saisissant. Rien qu’en quatre jours de voyage, nous avons pu nous faire photographier près de draisiennes, dans un groupe de mousquetaires du Roi, en costume de romains et en armure du Moyen-âge. La Romieu est une abbatiale mondialement connue. Une collégiale.
Les routes sont bien entretenues, peu de randonneurs, peu de cyclistes. Les côtes sont rudes même avec assistance, à cinquante kilomètres la première journée l’assistance électrique n’évite pas les crampes douloureuses qui prouvent que se préparer physiquement n’est pas un luxe. Moralement non plus, mais c’est plus facile.
Nous retiendrons de cette épopée la mélopée du bien-être, de l’optimisme, du tout va bien. Nos hôtes s’entendent sur tout, ne se contredisent jamais, sont d’accord sur les détails et sur les sujets généraux. Les clients débordent de reconnaissance pour les vélos, pour la nourriture. Ils reviennent. Ils s’en vont sans plaisir. Dans un monde où tant de gens se plaignent de tout et de rien, où les difficultés s’accumulent et l’avenir se prive d’espoir, une telle satisfaction est rafraichissante. Pourtant, nos deux voyageurs sont sans pitié. Ils pensent que c’est trop. Qu’à trop insister sur le bonheur parfait, on cache des malheurs, des souffrances, des insuccès. La guerre dans de nombreuses régions du monde, le chômage qui fait fuir les jeunes de Condom vers les grandes villes, des maisons qui tombent en ruines et ne sont pas réparées, des commerces à vendre…Nous reviendrons à Condom pour d’autres randonnées, pour découvrir peut-être des blessures cachées.
Nous reviendrons à Condom, aux Angelots, ce n’est pas parce que c’est le paradis, mais justement parce que ce n’est pas le paradis car le paradis n’existe pas. Le paradis est un endroit où l’on ne peut jouir de rien puisque le mal, la souffrance, les manques, y sont inconnus. Si tout est bien, comment apprécier ? Or, nous avons découvert quelques petits inconvénients, qui ne seront pas sur le site de Condom, bien entendu, ils ne sont pas fous, ils veulent développer le tourisme et on ne développe pas le tourisme en montrant les failles. Par exemple : la signalisation des chemins de campagne est très incomplète et plusieurs fois nous nous sommes perdus. Nous avons retrouvé notre chemin grâce à la gentillesse des gens, mais le dépeuplement des campagnes raréfie les renseigneurs, il faut se mettre au travers de la route, mettre les bras en croix pour arrêter le tracteur et le conducteur dit d’où venez-vous ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? Il dit aussi que dans le Gers, jamais on ne se perd. Il nous indique le chemin. Autre inconvénient : le floc, apéritif local, monte à la tête, c’est un mélange d’armagnac et de jus de raisin. Le pousse-rapière, cocktail d’Armagnac et de vin pétillant est non moins redoutable. et si on ne fait pas la sieste après quelques verres de floc ou de pousse-rapière, on est ensuqué. Or, il n’y a guère d’endroits dans la Ténarèze pour faire la sieste et beaucoup d’endroits pour boire le floc et le pousse-rapière.
Bonjour M. Goldring,
RépondreSupprimerJe vous ai entendu cet après-midi à France inter et je voulais vous annoncer la sortie de la traduction française de la passionnante biographie de Bobby Sands, écrite par Denis O'Hearn et intitulée "Bobby Sands. Jusqu'au bout".
C'est un livre unique car peu d'ouvrages sont parus en français sur cette époque et cette guerre.
Bobby Sands. Jusqu'au bout.
Denis O'Hearn
2011, éditions du CETIM et Editions de l'Epervier
ISBN 978-2-36194-012-6
ISBN 978-2-880530-74-4
19.50 Euros, 29 CHF
Quatrième de couverture:
"Le 5 mai 1981, Margaret Thatcher laissait mourir de
faim en prison Bobby Sands, député d’Irlande du Nord
et membre de l’IRA, condamné pour avoir participé
à une attaque à main armée. Il demandait pour lui et
ses camarades le statut de prisonnier politique compre-
nant le droit de porter des vêtements civils. Devant
l’intransigeance britannique, neuf autres prisonniers
périrent après lui au cours de leur grève de la faim.
Denis O’Hearn, dans cette passionnante biographie,
construite à partir de témoignages directs et de docu-
ments authentiques, nous décrit la lutte déterminée
de ces prisonniers de l’IRA qui allèrent au bout de
leur combat contre l’impérialisme britannique et son
système carcéral inhumain.
Un autre prisonnier célèbre reprit le flambeau après
la mort de Bobby Sands : Nelson Mandela, à son tour,
se lança dans une lutte identique dont le dénouement
fut moins dramatique.
Nous présentons ici, pour la première fois en langue
française, une biographie complète d’un des plus grands
héros de la lutte pour la libération de l’Irlande. Elle explore
tous les aspects de l’activité politique mais aussi poétique et
littéraire de Bobby Sands en prison."
Commandes en France et en Belgique (à partir du 19 septembre 2011):
COLLECTIF DES EDITEURS INDEPENDANTS
37 rue de Moscou
75008 PARIS
FRANCE
internet : http://www.collectif-des-editeurs-independants.fr
tél : 00331 45 41 14 38
fax : 00331 45 41 16 74
email : collectif.ei@gmail.com
Commandes en Suisse (à partir du 19 septembre 2011):
CETIM
6 rue JC Amat
1202 Genève
Suisse
contact@cetim.ch
www.cetim.ch
Fax: 0041 22 731 91 52
Merci
Julie
PS: nous serons présents à la Fete de l'Humanité au Village du Livre dans la partie signature auteurs sous les noms de Philippe Paraire, Michael Paraire et Julie Duchatel, avec le livre en question.