vendredi 3 février 2012

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            Une amie équatorienne qui enseignait l'espagnol en France est partie en Allemagne sur un coup de cœur. Je l'aimais beaucoup, elle m'aimait beaucoup, nous nous aimions bien. Rien de plus qu'une amitié. Je l'ai revue quelques jours dans sa maison allemande. Puis elle s'est éloignée, comme ça arrive. Quelques années passent, mon amie, M…, m'appelle, me raconte en trois phrases ses aventures personnelles et professionnelles, me dit qu'elle veut revenir en France, travailler à Paris. Elle cherche à se loger. Comme moi, de mon côté, je voyage souvent, pour des raisons plus personnelles que professionnelles, et que mon appartement parisien reste pendant ces voyages (faut-il dire plutôt séjours que voyages?), je lui propose de lui prêter mon appartement ce qu'elle accepte avec plaisir et moi de mon côté, j'aime bien faire plaisir, parce que j'aime bien qu'on m'aime, chacun a ses faiblesses.
            Elle est donc arrivée, je lui ai laissé les clés, nous ne nous sommes même pas croisés, je suis parti, où vous savez. Je reviens dix jours après, elle est déjà partie, elle m'a laissé un pot de miel et une bouteille de vin. Mais plus encore.
            En entrant dans mon appartement, elle m'a laissé des draps qui sèchent sur les dossiers de chaise et le canapé. Elle m'a laissé des carottes qui pourrissent près de l'évier. Elle a utilisé mon ordinateur pour recevoir ses messages, ce qui pour moi est une intrusion aussi grave que de lire mon courrier privé. Et quand je vais dans la salle de bains, je m'aperçois en fin de courses qu'il n'y a plus de PQ, elle n'a pas eu le temps de renouveler. Mais l'appartement est propre.
            Quand j'ai ainsi trouvé les uns après les autres les remerciements pour avoir prêté mon appartement pendant une semaine, j'ai été saisi d'une grande colère et je me suis dit, surtout, il ne faut pas que lui envoie un message maintenant, ni que je l'appelle, je dirais des mots que le temps ne pourra effacer. J'ai donc attendu la nuit et le matin. J'ai bien fait.
            Ce matin, il fait moins cinq dehors et le temps a déjà fait son œuvre pacificatrice. Je me dis: qu'est que quelques carottes qui pourrissent dans l'évier, un ordinateur visité sans permission, des draps qui sèchent et qu'il faudra repasser, plier et ranger, des rouleaux de papier toilette qui manquent, pendant la guerre on s'essuyait avec des feuilles, non? Qu'est-ce que tout ça auprès d'une amitié, une belle amitié. Donc, bien évidemment, je lui prêterai encore mon appartement. Mais cette fois-ci, il y aura un loyer. Combien ça coûte? Ça coûte la lecture de ce texte. 

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