Simon Jenkins,
dans The Guardian, 17 oct 2012, s’indigne
contre la « guerre à la drogue ». Imaginez, dit-il, que la guerre en Afghanistan
se mène depuis cinquante ans. Qu’elle fasse deux mille morts par an. Qu’il y
ait tous les ans quarante mille prisonniers et que pourtant, le nombre des
adversaires ne cesse d’augmenter. Qu’elle coûte un milliard par mois. Il y
aurait des manifestations, des débats au parlement. C’est ainsi que se mène « la
guerre à la drogue » et si un responsable politique réclame une autre
politique, il sera accusé d’être complice des dealers et d’encourager la
consommation. Simon Jenkins exprime un certain découragement. Il a l’impression
que tous les dix ans, cette discussion reprend, sans fin et sans résultats.
Il est des
domaines où les évolutions se traînent. Où une vie complète suffit à peine à
distinguer un horizon, une porte de sortie. Il a fallu des générations de
divorces à l’italienne pour que la législation enfin fût enfin changé. Il fallut
des milliers de femmes mortes dans des accouchements clandestins pour qu’enfin
l’avortement devienne légal.
Les arguments du
refus sont répétitifs. Donner du pouvoir à ceux qui n’en ont pas détruit la
société. Le suffrage universel, en
donnant le droit de vote aux pauvres allait donner le pouvoir aux barbares sans
éducation. Le divorce allait détruire les familles, pilier de l’ordre social. L’abolition
de la peine de mort allait permettre aux tueurs de multiplier leurs meurtres. L’excision
protège la vertu des femmes, la burka empêche les viols et les chiens
renifleurs empêchent les lycéens de fumer.
Les évolutions
sont lentes et nous devons nous armer de patience. Ecouter avec attention les
discours rétrogrades qui nous maintiennent dans l’obscurantisme, la censure, la
chasse aux sorcières. Se rappeler que ce déferlement de paroles fera le bonheur
des historiens, que tous ces discours rangés, pressés dans les archives, pourriront
lentement dans les bibliothèques et comme les feuilles mortes ajoutées aux
ordures ménagères, se transformeront en compost pour les moissons des générations
futures.
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