dimanche 20 juillet 2014

deux manifestations

Deux manifestations

Barbès, samedi 19 juillet 2014.

    Une manifestation à l’appel du NPA qui tient son Vietnam avec le conflit israélo palestinien, et d’autres organisations. La manifestation est interdite. Quelques milliers de manifestants. Des manifestants ? Non. Des caillasseurs. Des casseurs. Qui mettent le feu à des étalages au marché Dejean. Qui saccagent le mobilier urbain. Qui font ressembler le quartier au pire des préjugés à son égard. On nous téléphone de Biarritz pour savoir si nous sommes en bon état. Aucun coup de téléphone de Paris. Les amis biarrots étaient inquiets, les amis parisiens moins inquiets. La famille pareil. Des SMS angoissés du fils et de la fille de Brigitte, aucun SMS de ma famille parisienne. Faut-il en conclure que les amis et la famille de Biarritz sont plus attentionnés ou que les amis et la famille de Paris sont plus blasés ? Bref, c’est quand même assez sympathique de recevoir des appels angoissés quand nous sommes à deux cents mètre du champ de bataille, dans nos fauteuils, les yeux irrités, à pianoter sur l’ordinateur pour savoir quel sera le meilleur itinéraire pour gagner l’Opéra-Comique puisque Barbès et Château Rouge sont manifestement interdits.

     Pendant deux heures, j’entends les explosions de grenades lacrymogènes, des cris, par la fenêtre, des effluves de mai 68 qui irritent les yeux. Nous allons ce soir à l’Opéra-comique voir un spectacle de James Thierrée Raoul, une heure et demi de danse, de mime, de musique, de récit onirique, de décors en tempête. Pour y arriver, l’aventure. Nous sortons rue Polonceau, avec ma canne et mon blanc manteau, nous descendons vers la rue des Poissonniers, tous les gens que nous croisons nous disent, surtout ne tournez pas à gauche, vers Barbès, tournez à droite, vers Marcadet Poissonniers. Effectivement nous nous dirigeons vers Marcadet Poissonniers car les stations de métro Barbès et Château Rouge sont fermées, les bus 85 ne passent pas, il nous reste la ligne 12 Mairie d’Issy Porte de la Chapelle. Nous voyons le Boulevard Barbès désert, les seuls véhicules sont des camions de CRS. A droite, la foule des vendeurs de maïs, de gombos, de sacs, vendeurs à la sauvette. Tous les magasins du marché Dejean, où des palettes ont brulé, sont fermés. Le marché parallèle n’a pas de boutique, il ne craint pas les insurrections, il se poursuit tranquillement. La rue Poulet est barrée par des camions de CRS.

     Les militants caillasseurs qui sont venus ici pour détruire et casser pensent qu’en manifestant à Barbès, ils sont dans un quartier où les sympathies leur sont acquises. Erreur totale. Les musulmans qui travaillent et qui habitent la Goutte d'Or craignent plus que les autres Français l’importation du conflit du Proche Orient. Ce sont eux qui ont le plus à perdre. Economiquement, pour les fermetures des commerces et leur dégradation. Moralement, pour la stigmatisation en « quartier dangereux ». Politiquement, parce qu’ils sont massivement intégrés dans la société française et ne veulent surtout pas en être séparés par des minorités fiévreuses. Les commerçants sont à leur porte, et regardent avec envie tous les vendeurs clandestins qui d’habitude sont poursuivis par la police et qui aujourd’hui, travaillent tranquillement protégés par les camions de CRS.

     Nous arrivons au métro vers Notre-Dame de Lorette puis descente de la rue Laffitte jusqu’à l’Opéra-Comique. Pendant que la bataille de rue faisait rage Boulevard Barbès, un bandit braquait une bijouterie, s’enfuyait en tirant des coups de feu et descendait dans le métro où il a finalement été arrêté après échange de coups de feu. Nous allons acheter des gilets pare-balle.

     Dans le métro est monté avec nous un homme très excité, qui avait participé à la manifestation et disait à ses voisins que la police avait gazé les femmes et les enfants, qu’elle avait même envoyé une grenade sur Besancenot, vous vous rendez-compte ? Besancenot, le seul habitant du quartier qui participait à la manifestation. Une dame lui dit  tranquillement « la manifestation était interdite, on ne va pas manifester avec des enfants dans une manif interdite ». Le monsieur énervé lui dit que personne ne savait qu’elle était interdite. Moi je dis que depuis vingt-quatre heures toutes les radios et toutes les télés disaient qu’elle était interdites et elle était tellement interdites que les organisateurs de la manif ont même protesté contre son interdiction, c’est bien la preuve non ? Non, le monsieur furieux me dit que non et me dit qu’il n’y a que les Juifs qui ont le droit de manifester en France. Tout le monde proteste, dont moi, peut-être avec un peu plus de véhémence. Il me regarde et me dit évidemment, vous vous êtes juif. Bingo. Je lui dis vous êtes fort, vous reconnaissez les Juifs même quand ils n’ont pas d’étoile jaune. Il ajoute : François Hollande aussi il est juif. La discussion devint alors confuse et se poursuivit après nous, après Notre Dame de Lorette, là où Jésus Christ fut conçu par le Saint Esprit.

     Depuis combien de temps a-t-on fait allusion à mon appartenance juive ?

     Répétons-le. La majorité des musulmans qui vivent en France ne veulent pas l’importation du conflit du Proche Orient. La majorité des Français non plus. La majorité des Juifs non plus. Les groupes minoritaires qui veulent importer le conflit sont dangereux parce qu’ils veulent  à coups de pierre et de bâtons transformer les rues de Barbès en Esplanade des mosquées.



3 décembre 2012, Manifestation à Biarritz, Place Clémenceau. Monseigneur Aillet organise avec des associations nord-américaines opposées à l’avortement, au divorce, à la contraception, à l’IVG, à la sodomie, à l’orgasme non procréatif, aux recherches sur l’origine de l’homme, à la révolution de la terre autour du soleil, à l’euthanasie, à l’homosexualité, à la transsexualité, au mariage pour tous, une journée d’études qui vise à instaurer la charia dans les pays laïques. Une contre-manifestation citoyenne, républicaine et laïque rassemble les principales forces politiques de la ville, à l’exception de l’UMP qui sur le sujet du mariage pour tous, se contorsionne. Quelques centaines de personnes sont rassemblées Place Clémenceau. Pas de police, aucun uniforme à l’horizon. Tous les commerces sont ouverts. On se connaît, on s’interpelle, on se félicite.


Brigitte Pradier, qui a assisté aux deux manifestations,  ne croit pas que je puisse jumeler la Goutte d'Or et Biarritz. 

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