dimanche 31 août 2014

ce n'est pas fini

Regardez le monde. Étalez les cartes. Observez les territoires où l’on enterre des victimes, où l’on crie vengeance, où faire de la politique, c’est choisir dans quel camp on va mourir ou tuer. Des territoires où le pouvoir est au bout du fusil, où une cartouche vaut mille bulletins de vote.

Ailleurs, le pouvoir est décidé par des élections, il y a des lois et des prisons, des acquittements, des policiers poursuivis, des prisonniers libérés, des avocats, des journalistes qui ont le droit de dire ce qu’ils pensent sans risquer leur vie, des couples mixtes, hétéros, trans, qui se promènent dans les rues. Des injustices, de la précarité, des solidarités, Des luttes, des manifestations, des débats. Partout des débats. Et dans les assemblées, dans les réunions, on entend plus facilement ceux qui veulent nous convaincre que nous vivons toujours plus mal dans la pire partie du monde.

On voudra bien excuser ma préférence pour le second modèle. Je n’en vois aucun autre qui m’attire autant. Et qui attire autant les peuples qui en sont privés, qui attire autant les chimères des migrants et les rêves de ceux qui restent.

A l’intérieur de ce modèle, les différences sont fortes, mais il ne faut jamais oublier le socle pas si solide que ça qui tient la société, qui relie les citoyens les uns aux autres.

Ce modèle est menacé, d’abord par les forces politiques qui souhaitent un état pour une partie seulement des citoyens. Qui ont si peu confiance dans leur propre pays que toute ouverture est monde est pour eux mortelle. D’autres forces, beaucoup moins présentes aujourd’hui, qui considèrent que le système démocratique n’est qu’une variante de la dictature du grand capital.

Les partis républicains, qu’on appelle gauche ou droite, progressistes ou conservateurs, républicains ou démocrates, acceptent les règles du système et s’affrontent sur les questions d’égalité, de justice redistributive, sur les questions de société. Questions importantes, mais qui parfois s’estompent au point où les uns et les autres peuvent partager le pouvoir comme en Allemagne. C’est pourquoi les différences apparaissent moins clairement. Allons-nous regretter le temps où la politique était guerre civile, où les enjeux étaient clairs et les sociétés sombres ?

Les différences étant moins distinctes, il faut dramatiser des enjeux pour mobiliser l’électorat. Par facilité, par paresse, les politiques continuent de jouer à la guerre. Certains vont même jouer sur la peur, emprunter les craintes des extrêmes. Les uns et les autres font comme si les différences étaient fondamentales. La droite reprend à son compte les craintes devant les mouvements migratoires, confondent égalité des chances et procréation médicalement assistée. La gauche veut étrangler le grand capital, dénonce les organisations mondialisées. Pour le théâtre de la vie politique, chaque sujet doit ressembler à la dernière bataille, à un déchirement de la société, mettre en jeu l’avenir de l’humanité. Plus la société se lisse, plus il faut des agressivités théâtrales. Le succès des séries noires, des barbaries sur les écrans, est d’abord dû à leur exotisme : le nombre de victimes de violences diminue régulièrement et la pacification des sociétés doit se compenser par  un surcroît de tragédies. Le nombre des sujets qui clivent la société est en baisse constante, il faut donc dans les discours retrouver les cliquetis des armes pour attirer le chaland.

La crise du politique n’est pas due aux erreurs des uns et des autres, elle est constitutive de la période que nous traversons, et il faut espérer qu’elle durera longtemps, que le brouillage se poursuivra, car revenir aux clartés d’antan serait un retour à l’enfer.






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