mardi 5 août 2014

conflit local, conflit mondial

Dans leur tribune du Monde, Rony Brauman, Régis Debray, Christiane Hessel et Edgar Morin sont convainus « qu’une certaine idée de la France se joue à Gaza ». Rony Brauman et Christiane Hessel sont tous connus pour avoir choisi leur camp dans le conflit israélo-palestinien. Régis Debray et Edgar Morin apportent la caution d’esprits plus modérés.
Les signataires acceptent que d’autres conflits sont plus meurtriers dans le monde arabe. Mais la particularité du conflit israélo-palestinien est « qu’il concerne et touche à l’identité des millions d’Arabes et de musulmans, des millions de chrétiens et d’Occidentaux, des millions de Juifs dispersés dans le monde ». Ce conflit n’est pas local, il est de portée mondiale et de ce fait a « déjà suscité ses métastases dans le monde musulman, le monde juif, le monde occidental ». Il a réveillé les xénophobies et les racismes, a répandu la haine dans tous les continents.
Il ne suffit plus « d’appels pieux », ni de « renvois dos à dos ». Parce qu’il y a des colonisés et des colonisateurs avec une « terrible disproportion de forces ». Il faut sévir, suspendre l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne.
Les choses sont ainsi dites clairement. Le monde est parcouru de conflits beaucoup plus meurtriers, mais sur lesquels les signataires ne peuvent pas grand-chose. Alors que devant ce conflit, ils retrouvent les vieux réflexes, les vieux clivages qui nous manquent tant depuis la chute du mur de Berlin. Afrique du Sud, Vietnam, Chili, Cuba, étaient tous des conflits de « portée mondiale », ils suscitaient tous des « métastases » dans le monde entier. Les conflits interarabes, internes à l’Afrique ne sont pas des « conflits mondiaux ». On n’y peut rien. Alors que là, on retrouve le colonialisme, l’impérialisme, l’internationalisme prolétarien, les dénonciations des complicités entre puissances coloniales.
L’inscription du conflit israélo-palestinien comme conflit de « portée mondiale » lui assure une prolongation indéfinie. Il faut au contraire refuser les métastases, refuser l’exportation de ce conflit comme et les haines mondiales. Voici qui serait une contribution utile de nos faiseurs d’opinion. Le conflit israélo-palestinien n’est pas mondial, c’est un conflit local. Dans un petit territoire, des populations face à face depuis 70 ans portent au pouvoir leurs représentants les plus réactionnaires, les plus bellicistes. Ceux qui refusent les négociations, les compromis, parce que la paix les rejeterait dans les limbes. En contribuant à donner à ce conflit une dimension mondiale, on conforte ces extrêmes. Les Palestiniens deviennent le symbole de tous les colonisés du monde, les Israéliens sont à l’avant-garde de la défense du monde occidental menacé par l’islamisme radical. Dans ce face à face, seuls les chefs de guerre ont droit à la parole. Leurs alliés soufflent sur les braises.

Maurice Goldring

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