jeudi 2 octobre 2014

intermittents

Sur Facebook ne s’inscrivent que les bonnes nouvelles. Les naissances, les mariages, les spectacles, les publications, les photos de vacances. Les mauvaises nouvelles n’apparaissent jamais sur Facebook. Si les historiens du futur ne disposaient que des archives Facebook, ils pourront retrouver les traces d’une société heureuse. Pas de nécrologie sur Facebook.

L’ensemble de personnes que nous appelons société vit généralement dans l’intermittence. La majorité. Une minorité vit dans l’assurance que l’avenir est bouché, que demain sera pire qu’aujourd’hui et aujourd’hui meilleur que demain. Une petite minorité vit dans la certitude que l’avenir lui appartient, que ses désirs sont des ordres, que ses envies seront exaucées. Entre les deux, des intermittents qui ne sont jamais sûrs. D’après Facebook, ils sont heureux et souriants. D’après l’écran de télévision, ils sont inondés, chômeurs, malades.

Ainsi, moi personnellement, je vous donne un exemple, mais il pourrait y en avoir tellement d’autres. Je vis en couple non marié. Si vous épousez une conseillère municipale, vous aurez droit à un passe pour l’ensemble du Festival du cinéma d’Amérique latine. Si vous êtes seulement concubin, vous aurez droit à quelques tickets, une invitation pour la soirée d’ouverture, une pour la soirée terminale, et c’est tout. Une invitation pour le cocktail, non. Invitation pour une seule personne, et vous imaginez la scène, vous arrivez à l’entrée de la salle de cocktail, on laisse passer votre concubine conseillère, et vous, c'est à dire moi, le cerbère dit non, comme si j’étais une racaille à l’entrée d’une boîte de nuit. Or cette scène pourtant trépidante et pleine de sens parce qu’elle exprime l’intermittence de la vie, ne se trouvera jamais ni sur Facebook, ni au journal de vingt heures.


Pourtant, l’intermittence, c’est la vie. Celui qui n’est sûr de rien déprime, galère, plonge. Celui qui est sûr de tout s’atrophie. Seuls les intermittents sont inventifs, actifs, entreprenants, chercheurs, car ils sont constamment au bord du gouffre, ils doivent pédaler pour rester en équilibre. 

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