mercredi 29 août 2018

ne pas déplorer, ne rien regretter


Ne rien regretter, ne rien déplorer.

 

Quand l’opération des artisans de la paix s’est mise en marche, le Pays Basque français était unanime. Unanime par ses représentants, conseillers municipaux, maires, députés et sénateurs. On peut imaginer que certains n’étaient pas d’accord. Ils ne l’exprimaient pas publiquement. Le blanchiment de la terreur de l’ETA ne tolérait aucune tâche, les banderoles étaient immaculées.  

 

Cette unanimité avait deux conséquences. En France, les pouvoirs publics qui menaient le combat contre le terrorisme en coopération avec l’Espagne, qui tentaient de maintenir un semblant de raison républicaine, refusaient de traiter les prisonniers basques emprisonnés comme des prisonniers politiques. Ils rencontraient des délégations de citoyens exaltés, d’élus ivres de ce mouvement collectif sans faille. Ces délégations demandaient d’aider l’organisation terroriste à se désarmer dans l’honneur du sang versé, à rapprocher les prisonniers de leur famille en outrepassant les règles du droit. Que dans ces conditions, l’état français ait tenu bon est tout à son crédit.

 

La deuxième conséquence portait sur le Pays Basque espagnol. Les abertzale radicaux battus militairement souhaitent une revanche politique. Ils manifestent à la sortie des assassins de l’ETA, changent et dansent. Là-bas, ces liesses sont très mal ressenties par les associations de victimes. Comme sont très mal ressenties les opérations de blanchiment de la terreur, car les morts sont de leur côté. Alors les EH Bai ou Sortu crient leur déploration : pourquoi ne peut-on pas mettre en scène au Pays Basque espagnol une grande opération de nettoyage comme celle de la Grande Teinturerie du Pays Basque français ?

 

C’est pourquoi l’action de notre groupe a été accueillie avec enthousiasme par ces deux institutions. Par les représentants de l’état français au Pays Basque et par les associations de victimes. Pour les mêmes raisons : enfin les préoccupations des associations de victimes étaient prises en compte. Enfin les représentants de l’ETA français pouvaient dialoguer avec des opposants au blanchiment de la terreur. Un grand coup d’air frais. Le Pays Basque français n’était plus unanime, le pluralisme souterrain et silencieux se faisait entendre.

 

Les teinturiers étaient furieux. Ils se demandaient comment un groupe si restreint avait pu abattre une sculpture de trois tonnes et de huit mètres de haut. Comment une poignée d’hommes et de femmes avaient pu accéder à la préfecture, à la chancellerie, dégonfler la baudruche, révéler la supercherie ? Nous pouvons leur révéler le secret de ces succès : convictions, ténacité, courage, obstination. Nous avons appris ensemble à ne pas accepter l’inacceptable. Nous avons appris ensemble qu’il est toujours possible d’entreprendre et d’imaginer des actions contre les dérives les plus puissantes. Que chacun peut faire quelque chose. Il a fallu du courage pour affronter les insultes, pour affronter le pire ennemi de toute entreprise : l’indifférence, la résignation, la passivité.

 

Le groupe a su se hisser à la hauteur des difficultés. Il n’a pas su se hisser à la hauteur de ses succès. Au lieu de poursuivre, on se dispute l’héritage. C’est la preuve de la richesse des acquis. Mais nous ne savons plus gérer la suite. Trop difficile, hors de portée. Il faudrait devenir un mouvement organisé, un parti, intervenir dans la vie publique. Nous n’avons ni les moyens ni la volonté de se transformer ainsi. Chacun va retourner à son chemin ou à son jardin. Nous allons écrire, discuter, rencontrer, inventer d’autres formes d’action. Ou ne rien faire. Je demande ici qu’on ne déplore rien, qu’on ne regrette rien. Nous avons accompli beaucoup.

 

Rappelons-nous en permanence les condamnations des nationalistes,  leurs moqueries sur notre petit nombre. La sculpture de la hache devait être la clé de voûte de leur entreprise. Sans cette clé de voûte, l’édifice s’écroule. Si vous doutez, allez sur le site des artisans de la paix. Vous constaterez que depuis le 8 avril, ils sont muets.

 

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