dimanche 12 août 2018

sans profession

 
Sans profession





            Dans les salles de mariage, dans les prétoires de justice, dans les commissariats, dans les amphithéâtres, devant les jurys d’examen et les conseils en recrutement, devant les guichets des élections, dans les bureaux de déclaration de vie ou de mort, dans les demandes de prêt pour acheter une maison, dans les formulaires d’inscription pour un concours administratif, dans les biographies officielles ou dans les personnages de roman, l’état-civil occupe une place centrale.  Né le xxx, à xxx, France, marié, divorcé, veuf, ingénieur, médecin généraliste, domicilié à xxx. Et puis au milieu de ces renseignements précieux pour un état qui soigne ou qui réprime, qui éduque ou exclut, tout à coup claque une expression qui néantise la vie d’une personne.

Sans profession.

Rien. Comme on efface une personne qui a écrit des poèmes, qui répare les voitures, qui fait le tour du monde, par deux mots : « sans diplôme ».

Comme on abolit une personne qui tient commerce de vêtements, qui dirige une chorale, qui entretient une forêt, qui fonde une famille, qui rénove des appartements, qui élève des enfants, par deux mots : « sans papier ».

Donc dans cette salle de mariage, dans ce tribunal, la personne est sans profession. Elle a suivi des études, acquis un diplôme de haut niveau, l’a exercé pendant plusieurs années, puis elle a arrêté ses activités salariées pour se consacrer à deux ou trois enfants. Quand les enfants ont grandi, elle est devenue bénévole d’une association caritative, elle a aidé des scolaires en perdition et l’ensemble de cette vie d’une grande diversité et d’une grande richesse est englouti dans deux mots : « sans profession ».

Dans la grande majorité évidemment, ce sont des femmes. Si des situations similaires étiquetaient majoritairement des hommes, soyons assurés qu’on aurait trouvé depuis longtemps une expression plus valorisante que « sans profession ».

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