jeudi 10 mars 2011

parler au peuple

Libération du jeudi 10 mars somme la gauche de se mettre au travail et enfin de parler au peuple. Parler aux ouvriers. Parler aux plus pauvres qui accordent, dans un sondage, leur confiance majoritairement au Front National. Il faut que la gauche regagne la confiance des couches populaires.
En réponse à cette exhortation, la gauche de la gauche, au PS ou à l'extérieur, dit que pour parler au peuple, il faut être à plus à gauche. La preuve qu'ils ont raison, c'est qu'ils recueillent entre trois et cinq pour cent en étant terriblement à gauche, en dénonçant le système, en faisant payer les riches et en annonçant la fin du pouvoir des capitalistes. Quand à Libération, est-ce que Libération, qui est un excellent journal et qui nous demande de parler au peuple parle au peuple?
La difficulté pour le PS n'est pas de parler au peuple, c'est d'abord de parler à tous d'un même avenir. Quel que soit le sujet, sécurité, immigration, éducation, on peut être assuré qu'une voix autorisé sera suivie par une autre voix non moins autorisée qui dira le contraire ou autre chose. En ce moment, Marine le Pen est la seule à dire la même chose tout le temps sans être contredite dans son propre camp. Dans le désarroi général, le Front national offre des certitudes: haine dans la journée et bal musette le soir. Elle l'emporte sur la droite classique parce que la droite n'est pas unie pour exploiter cette peur. Une partie refuse d'endosser l'uniforme de garde-chiourmes.
Est-ce que la population de la Goutte d'Or est "le peuple"? Parce que si c'est le peuple, alors la gauche réformiste a appris à lui parler, puisque les extrêmes, gauche et droite, sont réduits à la portion congrue, et qu'elle recueille au second tous des élections environ 80% des voix.
Parler au peuple, c'est parler à tous. Dire qu’il est de l’intérêt de tous, donc aussi des moins démunis, de maintenir à flot la partie de la population qui se noie. Et qu’il est de l’intérêt des plus démunis, notamment, mais pas seulement, de vivre dans des sociétés et dans des quartiers où une classe moyenne éduquée, salariée, entreprenante, accepte de partager l’espace. L’égoïsme du repli c’est la guerre civile. La recherche constante de compromis sociaux, culturels, c’est la politique au sens le plus noble. Qu’est-ce qui est le plus facile ? Parler au peuple, c'est dire à tous que la mixité sociale fait partie de l'intérêt général. Les urgences c'est aujourd'hui, la politique construit la société de demain. Céder aux urgences, c'est refuser les établissements culturels, les bibliothèques, les centres Barbara, les théâtres, au nom des urgences. La gauche réformiste les a construit dans la Goutte d'Or pour une raison toute simple: le peuple mérite des établissements culturels de qualité. Elle construit des logements sociaux et elle accorde une partie de ces logements à des salariés intégrés. Parce que là où l’on laisse s’entasser la misère dans des ghettos par la fuite des moins pauvres et par l’entassement des difficultés se construit un avenir de murailles et de gardes armés, de codes et de vidéos surveillance, de protection contre tout ce qui n’est pas le même. Telle est la bataille qui se mène tous les jours dans la Goutte d'Or. La gauche, les associations, la population, s'arcboutent pour empêcher les dérives vers un ghetto. Avec des succès et des échecs. Et ça marche comme roule un cycliste. L’équilibre ne s’obtient qu’à grands coups sur le pédalier.

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