Salle d'attente, théâtre de la Colline, inspiré de Catégorie 3-1 de Lars Norén, mise en scène Krystian Lupa. Jeudi 19 janvier 2012
Stockholm, un lieu où évoluent des drogués, des prostituées, des chômeurs, des alcooliques. Tout à la fois. Où les errances sont ponctuées par des shoots, seringues dans le bras, dans la cuisse, dans le sexe, dans les yeux. Et le cul, vénal ou affectueux. Suce ma bite, prend mon cul. Violence, surtout à l'égard des femmes. Les acteurs chuchotent ou crient, on les filme, ils sont filmés sur grand écran. Pendant la pièce, est-ce une pièce, c'est un spectacle dans un théâtre, quoi d'autre qu'un pièce? Pendant la pièce, à intervalles réguliers, les spectateurs refluent, s'habillent, quittent la salle, discrètement ou en tapant du pied sur les marches. Certains rient. La majorité se tait, profondément. Un petit temps de sommeil, mais quand même dans l'ensemble, on suit, intensément. Billets, plus repas dans le foyer, plus taxi de retour, une soirée à cent euros, faut pas dormir, gâcher de l'argent, un quart du RSA pour regarder des Rmistes. Satisfaction de ne pas être comme eux. De prendre une gorgée de bière en rentrant, de trouver un taxi, de poser la lourde veste sur le sol, de parler de la pièce, ou du spectacle, c'est plutôt un spectacle qu’une pièce. Qui est responsable? Ce que je vois, on peut le voir tous les jours dans les rues de mon quartier, dans les salles d'accueil, dans les logements d'urgence, et chaque fois on dit et on répète que le scandale est le drogué qui se voit, la prostituée sur le trottoir, la seringue dans le hall d'immeuble. Et donc, le scandale, c'est de mettre en scène ce qui en général ne se voit pas, de filmer, de retranscrire sur la scène d'un théâtre, ce qui est généralement invisible. Chez moi, le spectacle est gratuit, on retrouve les mêmes chuchotements, les mêmes promenades sans fin d'ici à là et retour. Va-t-en, viens, donne, prends. Pique, repique. Je l'ai vu, rue Myrha, se piquer le sexe en plein jour, adossé à une vitrine, les passants détournent les yeux. Au théâtre de la Colline, les spectateurs ne détournent pas les yeux, ils ont payé pour voir. Ils ont mangé des raviolis forestières avant le spectacle, ils rentreront en taxi. Ça s'appelle salle d'attente.
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