samedi 14 janvier 2012

sorj chalendon

Sorj Chalendon, Retour à Killibegs, Paris, Grasset, 2011.

            Tyrone Meehan, le héros de ce roman, a été membre de l'IRA et il a trahi, il a fourni des renseignements aux Britanniques. Sorj Chalendon a été correspondant de Libération à Belfast pendant les "Troubles" et a soutenu le combat républicain en Irlande du Nord. Il s'est fait des amis, dont un dirigeant de l'IRA qui s'est révélé être un traître. Il cherche à comprendre.  

            De ce que révèle le livre sur ce territoire, on retiendra une vision guerrière et républicaine. Si des combattants se sont levés à la fin des années soixante, c'est que la guerre de libération nationale et sociale n'était pas terminée en 1923. La police protestante, les milices unionistes, soutenues par la police et l'armée britanniques ont mené une guerre sans merci contre la population catholique.  Ils les ont agressés dans les rues, tué à coup de bâtons et de pierres, incendié leurs maisons, les ont emprisonnés, torturés. Nécessairement, un jeune catholique ne peut avoir qu'une seule idée en tête: se venger, prendre les armes. Non seulement lui personnellement, mais toute sa communauté avec lui. La guerre se poursuit, inlassablement, dans les quartiers, dans les prisons. La politique se réduit à cet affrontement et tout est militarisé, y compris les amitiés. Dans ces conditions, les ruptures ne sont pas des accidents personnels, ce sont forcément des trahisons. Son père Peter Meehan le battait: Un ivrogne qui battait ses enfants. Pourquoi? Parce qu'il avait fait partie de l'IRA pendant la guerre d'indépendance. "L'Irlande était coupée en deux. Pat Meehan avait perdu la guerre. Il n'était plus un homme mais une défaite. Il a commencé à boire beaucoup, à hurler beaucoup, à se battre. A battre ses enfants" (18) L'enfant comprend très jeune que son père alcoolique et violent est en fait une victime de l'impérialisme britannique.

            Ce tableau n'est ni vrai ni faux, il est inventé, il est œuvre de fiction et la question de la vérité d'un roman ne se pose pas. IL s'agit de montrer l'environnement universel d'un combattant de l'ombre qui mènera un combat clandestin en posant des bombes. Ce qu'on appelle parfois des terroristes.

            Comme document, ce roman est un témoignage parmi d'autres de la fascination de l'Occident pour la terreur comme moyen d'action politique. Comment un homme attaché à la démocratie, est fasciné par un autre homme dont la conviction profonde est que la vérité est au bout du fusil. Comment cela se peut? Lisez Chalandon, pas pour l'Irlande du Nord, parce que de ce point de vue, c'est une histoire que même les républicains n'osent plus raconter à leurs enfants, mais pour comprendre ce qui se passe chez nous.

Maurice Goldring

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