dimanche 21 octobre 2012

drôles de jeux


Drôles de jeux

            Un bonbon à la menthe vous prive du goût d’un bon vin. Le rythme des séries haletantes empêche d’apprécier « Ainsi soit-il ».

            Les problèmes vont vite, les solutions vont lentement. Tous les jours une entreprise ferme, tous les jours il manque un professeur dans la classe, tous les jours, les urgences sont surchargées. Seuls ceux qui disposent de privilèges, d’un métier, d’un logement, de relations sociales, peuvent contempler avec sérénité les bourrasques, les inscrire dans l’histoire de notre temps. Les victimes demandent des solutions rapides.

            L’urgence impose ses rythmes. Une idée est lancée, par exemple la dépénalisation de l’usage du cannabis, une humble plante qui attire  toutes les foudres du monde, et la voilà malaxée, essorée, mille tours minutes et rangée ensuite sur les étagères à côté du mariage pour tous, du droit à l’avortement, de la distribution de seringues propres, de salles de consommation à moindre risque, du droit à divorcer, du droit de vote pour les étrangers. Puis on passe à autre chose.

            Si le ministre de l’intérieur est très haut dans les nuages, c’est que par nature, son métier est d’intervenir à chaud dans ce qui fait le sel de l’actualité : les faits divers. Un crime le matin, un discours à midi, une série policière le soir. Le ministre de l’intérieur se doit de ressembler aux personnages des séries policières qui nous protègent, nous spectateurs apeurés, avec une redoutable efficacité. Ça n’a rien à voir avec Manuel Valls. Le ministère de la recherche, même si l’on y mettait par exemple Stéphane Hessel ou Yannick Noah, n’aura jamais la même popularité, les décisions qu’il prend aujourd’hui auront des résultats dans dix ou vingt ans. Il faut cinquante ans pour fabriquer un prix Nobel. Une nuit pour le nommer, deux jours pour le célébrer, quatre pour l’oublier.

            On oublie. Par exemple, on oublie que les indignations utilisées contre le droit de vote des étrangers étaient étrangement semblables aux objections contre le suffrage universel. Les partisans du suffrage censitaire étaient convaincus que seuls les propriétaires avaient le sens de l’intérêt général. Les prolétaires et les paysans sans terre, n’étant pas freinés par leurs attaches, seraient guidés par leurs passions.

            Pour que ça marche, il faut un dialogue continu avec les habitants, les citoyens, les associations, les militants. Une pédagogie capable d’inscrire les décisions sur une carte, les réformes dans une visée, les nécessités dans un projet. Les gouvernants ont leurs priorités. Ils n’ont pas le temps. Ce devrait être le rôle du parti socialiste. S’il ne joue pas ce rôle, si les militants ne dialoguent pas, ne répondent pas aux interrogations, ils laissent la place aux démagogies de droite et de la gauche extrême. Il reste alors un face à face entre des gouvernants exténués et les prophètes de l’apocalypse.

            Le choix s’est resserré. Comme la révolution n’est plus à l’ordre du jour, une partie de la gauche estime que gouverner, c’est forcément trahir, qu’il vaut mieux rester dans l’opposition et participer aux colères sociales. D’autres orientations apparaissent, en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine et depuis quelques mois en France. Elles s’opposent à une domination sans partage du capital financier, elles avancent des solutions solidaires, elles font bouger l’Europe et le monde contre les tentations de replis suicidaires. Si le PS ne place pas ce choix politique au cœur de son activité, qui le fera ? 

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