Drôles de jeux
Un
bonbon à la menthe vous prive du goût d’un bon vin. Le rythme des séries
haletantes empêche d’apprécier « Ainsi soit-il ».
Les
problèmes vont vite, les solutions vont lentement. Tous les jours une
entreprise ferme, tous les jours il manque un professeur dans la classe, tous
les jours, les urgences sont surchargées. Seuls ceux qui disposent de
privilèges, d’un métier, d’un logement, de relations sociales, peuvent
contempler avec sérénité les bourrasques, les inscrire dans l’histoire de notre
temps. Les victimes demandent des solutions rapides.
L’urgence
impose ses rythmes. Une idée est lancée, par exemple la dépénalisation de
l’usage du cannabis, une humble plante qui attire toutes les foudres du monde, et la voilà
malaxée, essorée, mille tours minutes et rangée ensuite sur les étagères à côté
du mariage pour tous, du droit à l’avortement, de la distribution de seringues
propres, de salles de consommation à moindre risque, du droit à divorcer, du
droit de vote pour les étrangers. Puis on passe à autre chose.
Si
le ministre de l’intérieur est très haut dans les nuages, c’est que par nature,
son métier est d’intervenir à chaud dans ce qui fait le sel de
l’actualité : les faits divers. Un crime le matin, un discours à midi, une
série policière le soir. Le ministre de l’intérieur se doit de ressembler aux
personnages des séries policières qui nous protègent, nous spectateurs apeurés,
avec une redoutable efficacité. Ça n’a rien à voir avec Manuel Valls. Le
ministère de la recherche, même si l’on y mettait par exemple Stéphane Hessel
ou Yannick Noah, n’aura jamais la même popularité, les décisions qu’il prend
aujourd’hui auront des résultats dans dix ou vingt ans. Il faut cinquante ans
pour fabriquer un prix Nobel. Une nuit pour le nommer, deux jours pour le
célébrer, quatre pour l’oublier.
On
oublie. Par exemple, on oublie que les indignations utilisées contre le droit
de vote des étrangers étaient étrangement semblables aux objections contre le
suffrage universel. Les partisans du suffrage censitaire étaient convaincus que
seuls les propriétaires avaient le sens de l’intérêt général. Les prolétaires
et les paysans sans terre, n’étant pas freinés par leurs attaches, seraient
guidés par leurs passions.
Pour
que ça marche, il faut un dialogue continu avec les habitants, les citoyens,
les associations, les militants. Une pédagogie capable d’inscrire les décisions
sur une carte, les réformes dans une visée, les nécessités dans un projet. Les
gouvernants ont leurs priorités. Ils n’ont pas le temps. Ce devrait être le
rôle du parti socialiste. S’il ne joue pas ce rôle, si les militants ne
dialoguent pas, ne répondent pas aux interrogations, ils laissent la place aux
démagogies de droite et de la gauche extrême. Il reste alors un face à face entre
des gouvernants exténués et les prophètes de l’apocalypse.
Le
choix s’est resserré. Comme la révolution n’est plus à l’ordre du jour, une
partie de la gauche estime que gouverner, c’est forcément trahir, qu’il vaut
mieux rester dans l’opposition et participer aux colères sociales. D’autres orientations
apparaissent, en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine et depuis quelques
mois en France. Elles s’opposent à une domination sans partage du capital
financier, elles avancent des solutions solidaires, elles font bouger l’Europe et
le monde contre les tentations de replis suicidaires. Si le PS ne place pas ce
choix politique au cœur de son activité, qui le fera ?
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