jeudi 6 décembre 2012

ZSP


Retour de Biarritz, dimanche 2 dec. Nous rentrons tard, il fait sombre, il fait noir. Les rues sont propres. Beaucoup de monde dans le métro. Pas de vendeurs à la sauvette. Pas de consommateurs de drogue. C’est l’heure et le climat ? Le lendemain, vers midi, même chose. Ce n’est plus l’heure. Le climat ? Les usagers sont de retour. Les mendiants, mais sans les enfants. Est-ce une intervention de la police ? Plus d’enfants, ni Boulevard Barbès, ni rue des Poissonniers. Des dames qui faisaient la manche avec des enfants tout jeunes, parfois des nouveau-nés, et là, elles ont laissé leurs enfants. Où ? Ça continue, lundi, mardi, mercredi, à toutes les heures. Les trottoirs ne sont plus occupés par les ventes à la sauvette, ni à Château Rouge, ni à Barbès. Il reste la mendicité, les usagers qui parlent et échangent, des distributeurs de tracts pour les téléphones, des broutilles. Même à l’intérieur du métro, plus de vendeurs à la sauvette, plus de bousculade, une sage file d’attente devant les machines à billets. A droite, direction Porte d’Orléans, un groupe de trois policiers. On se rend compte que la bousculade est due pour une grande part aux fraudeurs, qui sautent par-dessus les guichets, et les dérèglent, d’où une foule grossissante. Des uniformes partout, à l’angle Myrha/ Poissonnière, Léon/Myrha, Doudeauville/Poissonnière.

En ce qui concerne les aspects les plus visibles, les plus contraignants, la présence policière régulière transforme la Goutte d'Or en quartier comme les autres. Ce qui est terrifiant, c’est que ça marche.

D’autres moyens ont été utilisés et ont montré leur efficacité : dans les lieux où se rassemblent des jeunes, sifflets à haute intensité perceptibles uniquement par des oreilles adolescentes. A Marseille, autour de la gare, scène de drogue, la SNCF avait envisagé d’installer des lumières de néon bleu. Ces lumières rendent les veines moins visibles. Les usagers vont ailleurs chercher la lumière qu’il leur faut. L’exact contraire de la réduction des risques. (Le projet n’a pas abouti et le maire d’arrondissement a demandé son abandon). Est-ce que tout ça ne ressemble pas au déploiement des forces de police ? Pour rendre le quartier normal, des ultra sons, des néons bleus, et des uniformes de même couleur. Ce qui est terrifiant, c’est que ça marche. Ça marche en fonction d’une hiérarchie des nuisances, une hiérarchie des dérèglements, des disfonctionnements, en fonction d’une vision de la société qui mérite pour le moins d’être discutée.

L’idée serait que n’existe dans la Goutte d'Or qu’une délinquance d’importation. La drogue, la prostitution, la vente à la sauvette, viennent d’ailleurs.  La preuve : la police, qui agit comme des ultra sons et des néons bleus, chassent cette délinquance et il reste un quartier qui fonctionne normalement, agréablement. La Goutte d'Or, sans cette intrusion, est un bon quartier, un joli quartier. Les difficultés scolaires des habitants, les discriminations dans l’emploi, les difficultés d’intégration dues aux discriminations dans l’emploi et le logement, l’usage invisible des drogues, la prostitution, sont balayées de la réflexion puisque tout se remet à marcher normalement. Ça correspond aux vœux de ceux qui nous élus. Les plus en difficultés ne votent pas et ne réclament rien.

La question politique : comment ouvrir l’avenir de ceux qui n’en ont pas ? Comment attirer les gens qui maîtrisent le leur ? Le choix est-il entre ghetto concentré de misère ou la transformation de la Goutte d'Or en Place des Vosges ? Jusque-là, la politique de la ville consistait à tenir les deux termes, difficile, mais avec des succès. Logements sociaux,  logements étudiants, rénovation, constructions, bibliothèque, centre barbara, rue de la mode. Le classement en ZSP ne va pas modifier cette politique, mais elle risque de faire basculer la réflexion. Et la réflexion, le dialogue, la pédagogie et la recherche, c’est ce qui nous assurent de maintenir notre influence durablement. Ce que j’appelle de la politique durable.

Classons le quartier zone d’écoute prioritaire, zone de réflexion permanente. Zone d’évaluation permanente, zone d’action permanente. Pas zone de sécurité prioritaire. 

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