mardi 2 juin 2015

casablanca

Casablanca

Dimanche 17 mai, Thésée et Ariane prennent le train pour Bordeaux. Xavier les amène à l’aéroport de Mérignac. Thésée tient dans sa main gauche la poignée d’une valise roulante et dans sa main droite, le fil qui le relie à Ariane. Du royaume des ténèbres qui les attend, si Thésée lâche le fil, Ariane ne reviendra pas.

Jamais ils n’ont été autant contrôlés. Les jeunes des banlieues ou des quartiers se plaignent de contrôles répétés. Ils n’ont qu’à venir à Mérignac ou à l’aéroport Mohammed V de Casablanca et ils verront ce que sont des contrôles répétés. Au faciès, au passeport, à la valise, au genre, à l’origine.

Dans le restaurant de Mérignac, ils sont placés entre la caisse et la cuisine et ce jour-là, la tension était extrême entre la cuisine et la caisse, le vent soufflait force 5 et a gâché le plaisir du premier repas du voyage annoncé, celui où la liberté se manifeste par le choix d’un menu, d’un plat, d’une boisson, sans avoir accompli l’effort des courses, des listes d’achat, du collage d’un post-it sur la porte du réfrigérateur blanc et lisse, seule la liberté de commander. Mais si la cuisine et la caisse ne s’entendent pas, si les uns et les autres se crient dessus, râlent entre eux, disent du mal du chef ou d’un employé paresseux, comment voulez-vous ?

Ariane craint le labyrinthe mais fait confiance au fil qui la relie à Thésée. Ne crains rien, dit-elle. Mais il faut toujours craindre. Elle oublie sa besace dans les toilettes et quand elle revient, elle ne tient plus de fil. Le fil de Thésée pend en l’air. Quelques minutes fiévreuses, Ariane court récupérer sa besace et le fil qui miraculeusement. Si un voyageur malhonnête avait volé sa trousse de voyage, privée de passeport, elle ne pouvait plus franchir le Styx. Heureusement, elle avait choisi les toilettes pour handicapés, et les handicapés sont plus honnêtes que la moyenne des voleurs, surtout parce qu’ils courent moins vite. Quand même, on lui a piqué un billet de cent euros. Ou deux billets de cinquante euros, ou cinq de vingt, mais ça faisait cent euros en tout, elle voulut les rendre à Thésée qui lui répondit si tu crois que c’est le moment de faire nos comptes. Ariane rougit, car effectivement.

Les deux voyageurs avancent, se trouvent comme prévu dans un labyrinthe où des Minotaures leur demandent, leur intiment, exigent, qu’ils posent les sacs, les ceintures, les tuniques. A chaque portique sonnent des clochettes. Chaque fois que les clochettes sonnent, il faut enlever davantage, jusqu’aux chaussures. Le sang de Thésée ne fait qu’un tour. Est-ce parce qu’ils se dirigent vers un pays musulman qu’il fallait enlever les sandales comme à l’entrée d’une mosquée ? Thésée qui n’est plus tout jeune se penche pour dénouer les sandales, mais il manque de souplesse. Il demande à Ariane de l’aider, Thésée serre le fil, ils sont placés côte à côte dans le grand cheval et Ariane lui redonne son numéro. Tu promets de ne pas lâcher le fil ? Mon Thésée, dit-elle. Il ne sait pas encore qu’à la Grande Mosquée de Casablanca, l’épreuve sera renouvelée.

Descente vers l’aéroport Mohammed V, à nouveau les labyrinthes serpentent devant les guichets et à nouveau les minotaures guident les voyageurs égarés. Parfois, Thésée et Ariane arrivent devant un guichet, mais un minotaure se place derrière elle et empêche Thésée d’avancer, pour le diriger vers un autre guichet. Le fil s’allonge mais ne rompt point. Il tient le fil mais ne doit pas regarder Ariane pourtant la tentation est grande.

Le journal offert dans l’avion se nomme Le matin et ils se rendent compte en jetant un coup d’œil sur les titres qu’ils sont en train de changer de monde. En deçà des Pyrénées. Le souverain donne des « Hautes instructions » pour que soit traduit en projet de dispositions juridiques un rapport sur l’avortement. L’écrasante majorité penche pour la criminalisation de l’avortement à l’exception de quelques cas : quand la grossesse est un danger pour la femme, ou résulte d’un viol ou d’un inceste. Sa Majesté le Roi, que Dieu Le protège, nomme Hammouche directeur général de la sûreté nationale tout en conservant son poste de directeur général de la surveillance du territoire. Chaque fois, l’article est illustré par une photo du souverain tout en blanc, sur un fauteuil d’osier faisant trône. Sa Majesté le Roi nomme Abdeljalil secrétaire perpétuel de l’académie du royaume du Maroc. Sa Majesté le Roi, que Dieu l’inspire, donne audience à la présidente du conseil de l’assemblée fédérale de Russie. Une photo de la princesse Lalla samlma qui participe à une réunion du centre international de recherches sur le cancer, photo, robe rouge jusqu’aux genoux, pas de foulard. Un hommage à la police nationale et nous sommes à la page quatre du journal. Chaque jour c’est pareil, les quatre premières pages du quotidien et les dix premières minutes du journal télévisé sont consacrées aux activités royales et à force, le souverain commence à être connu. Mohammed VI possède un palais à Rabat, un autre à Casablanca, un autre à Marrakech, partout où il passe, les palais fleurissent, les bancs publics se réparent et se repeignent. Quand il est dans la ville, on le sait par les gants blancs des agents de police, par les uniformes rutilants. Quelques journalistes sont en prison. En même temps, diront les amis, la royauté est une protection contre l’intégrisme.

L’ascenseur est en panne, la température est douce, la télé est en panne, il manque du savon, qu’est-ce qu’un voyage dont on ne rapporte pas de savon. Dans la Medina de Casa, nous dînons dans un restaurant en plein air.

Lundi matin, rendez-vous à neuf heures avec un ami de Sophie, professeur d’arabe, graphiste, photographe, avec deux femmes bénévoles d’une association « Casamémoire », qui défend le patrimoine de la ville, un groupe d’étudiants en journalisme et leur prof de photos. Ariane et Thésée se joignent à ce groupe qui fait le tour du quartier des Habous. Les ruelles semblent avoir été construites dans la nuit des temps, elles sont modernes, dessinées par des architectes venus de France, dans le style colonial. Le quartier appartenait à un riche commerçant juif qui l’a donné à un sultan qui l’a transféré à des religieux qui sont aujourd’hui  propriétaires de ce quartier illustre, recherché par la bourgeoisie de casa, des boutiques de luxe. Vu d’avion, le quartier ressemble à un labyrinthe et Thésée et Ariane se rendent compte que partout où ils vont, les minotaures cherchent à les séparer. Dans ce labyrinthe des Habous, comme si les méandres ne suffisaient pas, des échoppes, des artisans, des petites galeries commerciales à entrées multiples permettent de s’échapper, de se perdre, de marchander pour des babouches qu’elle veut ramener de l’au-delà, du Royaume des morts auquel Thésée veut l’arracher.

Ariane achète des babouches, des huiles spéciales au marché des olives qui se devine à l’odeur. Elle marchande, elle pèse, et chaque fois le fil se tend. Le palais du gouverneur de la région est une merveille architecturale, partout des artisans ont sculpté des pierres, enfermé la lumière dans les tours. Le palais est fermé au public, il faut une autorisation pour le visiter et grâce à cette autorisation, Ariane et Thésée se sentent privilégiés. Tout le monde souhaite que le palais du gouverneur devienne un musée public. Dans la cour intérieure, à l’ombre des figuiers, le groupe se rassemble une dernière fois, il est temps de se séparer, les étudiants remercient Casamémoire et le prof d’arabe. Les étudiants nous remercient, sont remerciés, les remerciements sont enregistrés pour une vidéo qui leur servira de travail. Parmi les touristes qui visitent les monuments l’appareil de photo brandi vers les dorures et les frises, combien sont peut-être des étudiants en photographie qu’on prend pour des touristes. Encore des photos sur les marches du Palais. Le fil qui relie Ariane et Thésée sera pris pour un défaut dans la photo et effacé avec une gomme numérique.
Ceux qui restent, les bénévoles de Casamémoire, le prof d’arabe, Sophie, Ariane et Thésée, se dirigent vers le marché aux grains où les trieuses cherchent de l’or. Un marchand de laine, ami d’Abdellatif, invite le groupe à prendre un verre de thé à l’intérieur de son échoppe tapissé de grappes de laines de toutes les couleurs, de la laine pour faire des tapis. Il vend de la laine ici depuis deux générations. L’énorme surface du marché aux grains est surveillée par les spéculateurs et un jour, ils seront tous transférés dans un autre lieu, loin du centre veille. En attendant, il chauffe le thé, les installe chacun sur un tabouret et à nouveau des photos sont prises devant l’échoppe.

En sortant de cette échoppe, le groupe ne peut manger que dans un restaurant populaire, en plein air. Abdel va chercher des olives chez un marchand d’olives, de la viande chez un boucher dont il est client, des pâtisseries orientales et des fruits. Des serveurs présentent les fruits, les olives, les pâtisseries sur des assiettes et un cuisinier grille les viandes achetées par Abdell. Nous mangeons avec les doigts, en prenant les viandes et les légumes avec un morceau de pain rond. Une dame vêtue d’une burqua tend la main. Elle demande à manger. Les bénévoles lui fabriquent un sandwich avec de la viande et des sauces, la dame glisse le sandwich sous la burqua. Les bénévoles de Casamémoire nous disent que la société régresse, devient moins laïque, que leur mère ne se voilait pas, elle n’avait pas de voile, mais les jeunes filles se voilent de plus en plus et parfois les jeunes garçons ont la tenue vestimentaire attribuée au prophète, les filles sont couvertes de noir sauf les yeux. En même temps, tous les choix sont présents dans la foule et l’ensemble coexiste pacifiquement. L’alcool est libre dans les restaurants et les boutiques sauf pendant le ramadan. Et plutôt à l’intérieur des restaurants. On peut consommer de l’alcool sur les terrasses si elles sont entourées d’une clôture opaque.

Le chauffeur de taxi qui les amène à la casa San Jose écoute une radio en arabe. Qu’est-ce que vous écoutez? Une émission religieuse sur la vie du prophète. Mahomet. Il les sent intéressés par le sujet et fait faire le tour de la Grande Mosquée, toute moderne, avec une école coranique. Il leur fait promettre de la visiter, c’est aussi important que quasiment d’aller à la Mecque. Ils promettent. 

Ils tiennent. Taxi pour la grande mosquée de Casablanca. Un paquebot religieux, le guide nous donne le poids des lustres, l'origine des cèdres, le nombre d'heures pour fabriquer, les groupes prennent des photos, la porte par où entre le roi, que dieu le protège, mais comme c'est un roi social, il entre par la porte du peuple, les moucharabiehs, à l'étage où se réfugient les femmes, alors que dans les églises basques, les hommes sont en haut et se rincent l'œil.

Les excités du laïcisme leur diront que dans les églises chrétiennes, on ne demande pas aux visiteurs de se déchausser.  Alors qu'ici, on leur demande de nous déchausser. C’est la preuve. Dans les synagogues, répond Ariane au fou de l'antidieu que le leur, on porte une kipa obligatoire et les femmes un foulard qui cache les cheveux alors qu'à la grande mosquée de Casa, les femmes  ont les cheveux au vent.

Salle de prières, tapis, sachet transparent pour porter les chaussures, votre attention s'il vous plaît, salle des ablutions, fontaines de marbre, artisans de Marrakech,  photos, selfies sur fond de sculptures sur bois et sur onyx. Le toit s'ouvre au grand soleil, c'est une décapotable, dit le guide. Jamais le mot de guide n'a été aussi justifié. Ariane disparaît dans le gouffre des hammams, des saunas, des caves, des souffleries, des aérations, comme un paquebot de croisière. Comment on s’ablutionne. Thésée vieilli par les combats ne peut plus se courber pour enlever ses chaussures et demande à Ariane, perdue dans le groupe, de se pencher discrètement, il tire sur le fil pour attirer son attention, elle écoute le guide, absorbée, mais finit par sentir le fil qui se tend avec insistance et s'approche, laisse tomber un mouchoir, se penche comme pour le ramasser, tire sur les fermetures des chaussures, crantées, scratchées, enveloppe les languettes de sa présence pour que le bruit du scratch arraché ne perturbe en rien le discours du guide, se relève avec son mouchoir, Thésée glisse ses chaussures dont le nom jure dans la salle des prières: Méphistos. Ariane repart vers le groupe et Thésée, le fil tenu fermement dans la main, glisse sur le marbre et observe avec intérêt les jeunes chinoises qui se selfisent sur fond d'étoiles de Corinthe. Le groupe monte des marches, redescend, Thésée, depuis longtemps largué, remonte  à l'air libre, le fil à la main, repère un banc de pierre, lit le journal où le tout puissant protège le roi, qu'il soit inspiré dans ses conduites de souverain par le tout puissant. Thésée s'assoupit sur le banc de pierre et ne sent pas la fin de la visite marquée par une légère tension du fil qui le relie à Ariane et Ariane s'inquiète, où est Thésée? Il n'y a pas de cafète dans la troisième plus grande mosquée du monde, cinq ans pour la construire, et dans les visites de la Tour Eiffel, c'est pareil, le guide donne le tonnage, le nombre de millions de rivets, les ingénieurs, la durée de la construction et chaque jours, des milliers d'Ariane s'accrochent au fil de milliers de Thésée qui portent des Méphistos.

Nous sommes des touristes privilégiés puisque nous mangeons dans des restaurants populaires, avec les doigts, que nous serons invités à boire du thé dans une échoppe, peut-être invités à un couscous dans une maison, et des jeunes marocaines nous expliquent leurs sentiments.

Les labyrinthes de la Médina à Casablanca ou à Rabat obligent à tenir le fil d’Ariane, mais au moins, ils ne sont pas dangereux. Les voitures sont rares et circulent au pas. Personne n’a jamais parlé de sécurité à Casablanca. Personne ne leur a dit, comme à Paris ou à New York ou à Caracas, fermez vos sacs, ne vous promenez jamais seul, évitez tel ou tel quartier. Le seul est dans la médina un monsieur rabatteur qui nous a montré des hôtels simples. Il nous a dit, ils sont confortables et propres ces hôtels, mais il ne faut se promener dans le quartier après onze heures du soir, car il y a des jeunes qui se droguent et qui peuvent être dangereux.

Sinon, la seule insécurité dont Thésée et Ariane ont entendu parler c’est d’abord l’insécurité permanente des journalistes, des chroniqueurs, des intellectuels, des historiens, des chercheurs, qui ont le droit de parler de tout, mais à leurs risques et périls. Ensuite l’insécurité des piétons qui veulent traverser un boulevard, une avenue. Les piétons, quel que soit leur âge, bébés dans poussettes ou vieillards derrière déambulateur, sont considérés comme des cibles légitimes. Thésée, qui a l’habitude de comportements guerriers dans les capitales du monde grec, qui arrête les chars d’un regard, d’un geste de la main, à Athènes ou à Sparte, à Rome ou à Constantinople, a beau regarder les conducteurs dans les yeux, faire des moulinets menaçants, mettre les bras en croix, foncer sur les passages piétons, les chars ne ralentissent pas et Ariane supplie Thésée de ne plus s’aventurer ainsi, qu’il a une mission, la ramener vivante à Ithaque. Thésée, blessé dans son orgueil de guerrier, se met sous la protection des agents de police dont seul l’uniforme ralentit les hordes grondantes.

Thésee et Ariane, livrés à eux-même, décident d’explorer des zones inconnues dont la connaissance pourra leur être utile plus tard. Dissimulant le fil dans leurs mains nouées, ils avancent, visitent la préfecture et la poste, des bâtiments décorés selon l’orientalisme du vingtième siècle. Visite des Halles aux poissons et à la viande et restauration dans un établissement populaire, grillades et thé à la menthe. Taxi pour la visite de l’île aux sorcières, auparavant une presqu’île à marée basse, une île à marée haute. Aujourd’hui, un pont la relie à l’Afrique. Les maisons ressemblent à des crampotes, chaux blanche et rideau au vent. Des poules pour les sacrifices, des coqs pour réveiller les habitants. Plus à l’Ouest que l’île des sorcières, un énorme centre commercial, nommé le Mall, avec salle de cinéma sphérique, des boutiques de toutes les marques du monde. Le centre culturel a recruté un imam spécialement pour éviter les interférences et les ondes maléfiques des sorcières sur le Mall, car les rumeurs rendaient le recrutement du personnel difficile et les clients préféraient eux aussi cette précaution.

La Casa San Jose est un restaurant de tapas, espagnol, avec des chants flamenco, à fond la caisse et nous nous réfugions dans le hall d’un palace cinquante étoiles, le plafond à cent mètres, un serveur silencieux et efficace, des serveuses en jupe noire courte, et nous pouvons discuter tranquillement des affaires de famille.

Les amis de Sophie sont des intellectuels, journalistes, chercheurs. Ils vivent au Maroc et ont des sentiments mitigés envers les exilés qui font carrière de dissidents, de victimes au Maroc et de victimes en France. Qui parlent à la radio, à la télé. Karel Bartosek, à Prague d’après 68, n’était pas tendre pour ses collègues qui intervenaient dans les séminaires sur socialisme et barbarie. Puis il a fini par céder et s’exiler à son tour. Vient un moment où il est trop dur de rester et la tranquillité de l’exil l’emporte.

Le colonialisme n’est pas un sujet. Au musée Slaoui, sont représentées de manière non conflictuelle les influences françaises au Maroc, les affiches touristiques qui présentent le rêve oriental des occidentaux, le travail des architectes français, les collections privées, souvent françaises, se mêlent aux bijoux marocains et berbères. 

Après de longues marches dans la ville, après les montées de sept étages sans ascenseur, de descente de sept étages sans ascenseur et sans rampe, Ariane, épuisée, se fait masser par une Philippine heureuse de rencontrer une coreligionnaire chrétienne.

Le train pour Rabat, première classe, c’est si bon marché. Visite de la Médina, les boutiques de fringues, apéritif face à la mer. Ariane est kidnappée par deux sorcières qui lui recouvrent les mains et les avant-bras d’une matière brune qui tache les vêtements. Comment tenir le fil dans cette gadoue ? Thésée rugit son mécontentement en tirant sur le fil brunâtre, mais les sorcières ne lâchaient pas leur proie. La rançon de libération fut deux cents dirhams.

Dîner dans un restaurant juif, il reste quelques centaines de Juifs au Maroc, il y en avait des centaines de milliers, la majorité est partie à l’indépendance, puis la guerre des six jours a balayé le reste. Musique orientale, juive sépharade, parfois le patron prend la guitare. Aucune nostalgie, aucune inquiétude. Assistent au repas des journalistes et des universitaires qui se disputent pour savoir lequel est le plus surveillé par « les services ». On parle politique au Maroc, les relations entre progressistes et islam modéré. On parle question palestinienne, sans vraiment se mettre d’accord. Retour en taxi à Casablanca.

Vendredi, encore la Medina. Un rabatteur se saisit d’Ariane et le mène aux échoppes, marché Barbès tenu par des commerçants professionnels. Ariane sort des échoppes avec des sacs et des parfums d’Arabie qui ne viennent pas à bout du henné répandu par les kidnappeurs de Rabat.

Couscous du vendredi dans la famille d’Abdoul, atmosphère chaleureuse et compassée à la fois. Les enfants et la mère travaillent dans une société de courtage. Salon de soixante mètres carrés avec des canapés partout. Le couscous a été préparé par une cuisinière qui vient servir et à qui la maîtresse de maison s’adresse en arabe. La famille parle français. Repas le soir dans un restaurant français, le bistronome, cuisine basque, piment d’Espelette.

Nous avons vu au Maroc une classe moyenne qui reste sur place et qui tire le pays vers le haut. Quand cette classe moyenne quitte le pays, tout s’écroule.

Retour dimanche par l’aéroport Mohammed V, à nouveau les labyrinthes, les Minotaures, le fil qui s’est usé toute la semaine. Thésée détourne les yeux d’Ariane, il faut tenir jusqu’à Mérignac, sinon Ariane sera perdue à jamais. Thésée ferme les yeux, s’endort. Il voit le tarmac de Mérignac, les derniers cents mètres. Il ne se retourne pas et après un dernier labyrinthe devant les guichets de passeport, il lève la main d’Ariane triomphalement et la regarde. Il se dit, ce n’est quand même pas la mer à boire, quel con, ce Thésée.










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire