mercredi 9 mars 2016

mon intervention à la réunion Batera sur l'EPCI


Comment rendre majoritaire un courant minoritaire ? La violence armée a échoué. On a enterré la hache, voici le temps de la ruse. Un autre moyen : diviser par deux les voix de la majorité. Multiplier par deux les voix de minorité. Au temps de la révolution bolchevique, un ouvrier valait deux bourgeois ou deux koulaks. En Irlande du Nord, un protestant valait deux catholiques. Une voix de l’intérieur vaut deux voix de la côte. L’EPCI a des modèles.

Et le tout, comme naguère, au nom de valeurs suprêmes qui transcendent la démocratie. Au nom d’une « nécessité légitime, conforme à son identité », l’identité, le « socle qui nous unit », les frontières sacrées, un destin partagé. Comment les élus républicains qui menaient hier le combat contre le repli identitaire se sont-ils inclinés sans livrer bataille ? Nous aurions dû le prévoir. Ils oublient leur écharpe tricolore lorsqu’ils participent à des manifestations de Batera ou pour les prisonniers basques.

Je croyais vivre dans un pays en paix. J’en doute, quand j’entends EHBai et des élus modérés déclarer que l’EPCI fait partie du processus de paix, que si ses adversaires l’emportent, ils seront responsables d’une reprise de la violence armée. Les plus doux des partisans de l’EPCI laissent dire. Batera, Enbata, le conseil des élus, courbent le dos devant un monstrueux chantage qui devrait provoquer une sainte colère démocratique.

Pourquoi, comment ?  Peu importe. Fou qui joue avec le feu. Fou qui ne voit pas l’incandescence d’une carte de géographie. Fou qui détourne les yeux de notre monde et pense que nous sommes à l’abri, protégés des dérives identitaires, des préférences territoriales.

Pour le préfet, l’EPCI n’est pas une étape mais un point d’arrivée. Il ne croit pas à l’intercommunalité comme point d’appui pour après. « C’est même insultant pour les Basques, ce serait douter de leur patriotisme ». Mettez-vous d’accord. C’est une étape ou pas. Et si oui, ne étape vers quoi ?  

Tous les jours, vous donnez la réponse. Amaia Fontang déclare que l’EPCI est une « première étape » et que cette institution permettra de lutte contre les violences faites aux femmes. (Personne n’avait besoin de l’EPCI pour condamner l’assassinat de Yoyès). Dominka Daguerre : l’EPCI sera un lieu de négociations collectives. Ni la lutte contre les violences machistes ni les négociations collectives ne font partie des compétences de l’intercommunalité. Alors ma première question : pour Batera comme pour d’autres partisans de l’EPCI, c’est une « première étape ». Vers quoi ? Dans la perspective de Batera, il s’agit graduellement d’accorder à Iparralde des compétences chaque fois plus étendues : justice, économie, éducation jusqu’à faire du pays Basque un territoire séparé de la République. Jusqu’où ? Une assemblée élue au suffrage universel… une monnaie locale, l’eusko, l’officialisation de la langue basque, une université de plein exercice, des chants patriotiques à la place de la Marseillaise. Et pourquoi pas une carte d’identité qui exclura du droit de vote les touristes ?

         Vous vivez dans un pays Basque ouvert aux vents du large, vous voulez l’enfermer dans une cage administrative. Regardez autour de vous. Dans trois pays celtes gaélophones, seule l’Irlande a fait du gaélique une langue officielle. Où les locuteurs sont-ils les plus nombreux : là où elle n’est pas langue officielle. On parle plus gaélique en Ecosse et en Bretagne qu’en Irlande. La langue celte s’étiole en Irlande, devenu latin pour concours administratif. Vous voulez une université de plein droit : comme à Corte, qu’un recrutement local et patriote condamne à végéter ? Où 98% des étudiants votent pour des listes nationalistes ? Où l’université a connu deux journées « université morte » bloqué les cours par soutien aux supporters de foot ? L’excellence d’Estia tisse des liens avec Bordeaux et avec l’Europe, pas avec Vittoria. C’est dans la compétition avec le Big festival que le rock basque se développe, dans la compétition avec festival latino et FIPA que les films bascophones sont tournés, dans la compétition avec l’anglais et l’espagnol que s’ouvrent des ikastola. Toute cette richesse, vous voulez la mettre en cage ? Vous voulez remplacer la richesse militante par des privilèges administratifs ?

         Je suis inquiet. Je ne vois aucun exemple autour de moi où une confusion entre gouvernement et identité n’ait conduit à des dérives. Si vous tapez EPCI sur Google, vous avez « établissement public corse ». à juste titre. C’est votre avenir. L’ikurina brandi, la demande d’amnistie pour les prisonniers basques, l’inscription du basque dans les concours administratifs.

Je vivais dans un pays Basque sans frontière, respectueux des différences. Je dois m’habituer à vivre dans un territoire sacré, devenir héritier d’un destin partagé.

Le nationalisme a ceci de particulier qu’il considère qu’il n’y a qu’une seule manière d’aimer son pays. La sienne. Toutes les autres sont le fait d’étrangers. Pas de vrais basques. Ces étrangers, on les appelait West Britons en Irlande, des West british comme Oscar Wilde, Bernard Shaw, Joyce, Yeats, Beckett…Au pays Basque, on les appelle des espagnolistes. À Biarritz, les biarrisiens. Le clivage n’est pas pour demain. Il existe déjà, il divise les partis traditionnels, il soude les patriotes. Vous êtes tous gentils et tolérants et me promettez un avenir radieux. Parce que vous être gentils et tolérants, vous serez les premières victimes du golem que vous mettez en place. Vous serez balayés par les purs et durs, par les anciens prisonniers qui paradent sur les estrades.

Je vous remercie de m’avoir écouté. Je n’ai pour le moment qu’un souhait. Je vais glisser le texte que je viens de lire sur mon blog. Je vous demande de le relire dans quelques années si l’EPCI se met en place.

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