mercredi 23 mars 2016

terreur et politique


Ils sont paraît-il deux mille en Europe. Quelques milliers dans le monde. Un État qui les forme et les envoie. Un État hors-la-loi, qui n’a aucune perspective d’avenir. Autre que le chaos, le nihilisme. Ce n’est pas une guerre de religion, puisqu’ils tuent d’abord des coreligionnaires.  Ce n’est pas une guerre politique, le seul but est l’anéantissement du tout. Le terrorisme que nous avons connu avait des buts politiques (l’indépendance ou le pic extrême d’une lutte de classes), l’IRA, l’ETA, les Brigades Rouges, Action directe…Ces groupes se sont effondrés avec l’effondrement des idéologies avant-gardistes et réduits à un maigre appui logistique, se sont dissous dans les prisons et les commémorations.

Les groupes terroristes ne posaient un problème politique que s’ils recueillaient un appui minimum, à la fois logistique et politique. Leurs actions étaient défendues par des partis, des journaux, des associations (Sinn Fein pour l’IRA, Batasuna pour l’ETA, Il Manifesto pour les Brigades rouges…). En perdant cet appui, ils ne deviennent plus qu’un problème de sécurité. Ils cherchent à prolonger leur influence en se transformant, en organisant une solidarité à l’égard des prisonniers. Mais ils sont désormais des demi-soldes, et comme le colonel Chabert, recherchent éperdument reconnaissance symbolique et pensions de guerre.

À nouveau, avec chaque massacre, se repose la question : le terrorisme que nous subissons est-il un problème politique ou uniquement un problème de police ? Des massacres de masse, nous en avons connu aux États-Unis dans les universités et les écoles, en Norvège… Ils ne recueillent aucun soutien, aucune solidarité, ils restent des problèmes de police. Dans le cas des djihadistes de Daech, le soutien politique et logistique est-il nul ? Apparemment, ils bénéficient d’un soutien logistique suffisant pour subsister des mois et des mois sans quitter l’Europe. Mais les bandits en cavale restent parfois des mois et des années sous la protection de familles diverses sans que cette protection transforme le grand banditisme en problème autre que policier. Aucun parti, aucun mouvement, aucune église ne les soutient. Selon Frank Wright, on reconnaît une société en paix à ce qu’un voisin qui voit par la fenêtre une personne déposant une bombe prend son téléphone et prévient la police. La société nord-irlandaise vit en paix depuis que Gerry Adams a demandé aux catholiques de Belfast de dénoncer les tueurs à la police. De ce point de vue, nous sommes dans une société en paix qui fait face à un grave problème de police. Les tueurs de Paris ou de Bruxelles ne disposent d’aucun appui politique.

Les forces qui veulent transformer ce problème de police en problème politique sont diverses et variées. Les uns voient ces attentats comme les échos des guerres coloniales. D’autres veulent voir les djihadistes en guerriers sociaux. D’autres veulent absolument que tout musulman éprouve une certaine sympathie à l’égard des djihadistes. Et donc placer tous les musulmans sous surveillance. Toutes ces démarches sont des cadeaux royaux aux terroristes. Elle leur construit un environnement politique dont ils sont dépourvus. Il faut au contraire tout faire pour conserver à ces tueries leur statut d’un grave problème de sécurité. Dans ce combat pour les isoler et les mettre hors d’état de nuire, les musulmans de France sont comme les autres concitoyens : ils parlent, ils dénoncent. Ils téléphonent.

 

 

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