dimanche 10 avril 2016

les nuits assises


Pour François Cusset, « le début d’une longue veillée, le monde 8 avril 16. « nous sommes en train de faire quelque chose », il y a des signes qui ne trompent pas. Comme ces manifs sauvages, mobiles et masquées. Le pouvoir a beau vouloir faire le tri entre casseurs et manifestants, bons scolarisés et méchants cagoulés, ça ne marche plus. Car « nous sommes tous des casseurs », car il faut « casser le capitalisme ». Dans les assemblées citoyennes, la parole circule. F. Cusset salue la volonté réfléchie de ne rien revendiquer, qui consomme la rupture avec un ordre politique qui n’est plus reconnu comme légitime. Il salue les slogans neufs : « « le monde ou rien », « ni loi ni travail » ;  la rédaction d’une constitution de la république sociale. Un humour guerrier. Les lycéens découvrent la violence d’état, les étudiants sont dégoûtés par le mensonge des diplômes. Salue la certitude qu’aucune élection ne changera l’ordre établi. La politique classique est morte.

La lutte contre la violence d’un monde inhabitable a été refoulée derrière l’obsession terroriste qu’on redécouvre sous la matraque policière. Contre cette violence, les nuits debout se « déclarent en guerre » et la violence possible de cette guerre-là, on n’a rien à y perdre.

Passons sur l’assimilation guerrière entre casseurs et étudiants scolarisés. Passons sur l’assimilation entre les attentats terroristes et les matraques policières. Passons sur la redécouverte des paroles de l’Internationale. Passons sur les « mensonges des diplômes » dénoncés par un professeur d’université, un insupportable emploi précaire obtenu grâce au mensonge des diplômes. Il est trop facile de repérer les colères qui laissent le monde en l’état. Mon expérience me permet seulement de rappeler un fait tout simple. Tous les mouvements de jeunes, les grèves des universités, les assemblées générales, n’ont jamais, au grand jamais, empêché la tenue des concours d’accès aux Grandes Ecoles, n’ont interrompu les concours d’agrégation, la tenue de jurys de thèse qui permettaient d’accéder au professorat. J’ai passé une partie de ma vie d’universitaire à entendre des dénonciations radicales des diplômes par des collègues en grève illimitée, jamais en grève des concours d’agrégation, de concours d’entrée aux Grandes écoles, jamais en grève des jurys de thèse.

 

Ne passons pas sur la seule question qui vaille. Comment des slogans comme « nous sommes tous des casseurs », « il faut casser le capitalisme », « ni loi ni travail », peuvent-ils être salués comme des slogans neufs par un universitaire ? Comment un journal sérieux comme le monde peut-il publier des enthousiasmes  rupestres ?  

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