mercredi 5 juillet 2017

en vérité je vous le dis


J’ai beau commencer mes discours par « en vérité, je vous le dis », je ne provoque pas la même adhésion que les apôtres, que les prophètes, que Jésus Christ, qui pouvait raconter de belles histoires et les faire accepter par des fidèles uniquement parce qu’il commençait par la même phrase : « en vérité, je vous le dis ». J’ai essayé. Je monte sur un fauteuil de square ou un banc public, je figure un haut-parleur en entourant ma bouche ouverte de mes deux mains écartées et je crie « en vérité, je vous le dis, n’écoutez pas les faux prophètes, ne suivez pas les avant-gardes incendiaires ». Deux ou trois personnes s’arrêtent, sourient, s’attardent, repartent, je vois dans leur regard sans méchanceté un rejet total de mon message. On me connaît, un peu. Les gens  à qui je m’adresse savent que j’ai appartenu à un monstrueux système d’asservissement et de massacre des peuples et que j’ai soutenu ce système. Si je me suis trompé à ce point, si souvent, si mal, si obstinément, si aveuglement, si longtemps, pourquoi pourrait-on aujourd’hui me faire confiance ? Ils ont entièrement raison de se méfier. Beaucoup me supplient, ou m’ordonnent, de me taire. De me faire oublier. Comme Lord Jim. Un officier de marine qui abandonne un bateau en détresse a beau expliquer devant les juges les circonstances de son crime. Personne ne l’écoute. Il s’enfuit, prend un pseudonyme, dès qu’on le reconnaît, il s’enfuit encore, s’enfonce dans la jungle. Disparaît. Voilà un exemple exemplaire. Tu t’es trompé, au moins pendant trente ans. Disparais. Cache-toi. Bon. Mais rappelez-vous la règle de la tabagie. Si vous avez fumé pendant trente ans, il faut trente ans pour retrouver des poumons propres. J’ai fumé du communisme de 1945 à 1975. J’ai arrêté en 1975, plus trente, ça nous mène à 2010. Depuis 2010, je peux dire que j’ai le cerveau décrassé. Je peux recommencer à penser, et les gens peuvent recommencer à m’écouter.


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