samedi 6 octobre 2018

scène de rue


Rue Victor Hugo, à Biarritz. Un grand gaillard sort de la librairie en criant des paroles incompréhensibles. Il est noir de peau. Je m’apprête à entrer dans l’établissement dont il sort. Je croise sur mon chemin un monsieur blanc de peau qui pourrait avoir le  même âge que moi. Comme moi, il regarde ce grand gaillard très énervé. Il cherche mon regard, il veut que je partage son indignation : « vous vous rendez compte, avec tous ces immigrés, on n’est plus tranquille nulle part ». Je lui réponds ce que tout être humain devrait répondre : « Monsieur, je suis surpris. Comment savez-vous que ce grand gaillard est un immigré ? ».

-Ben, ça se voit non ?

- Vous voulez dire qu’un homme noir de peau ne peut pas être français ? Vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Un noir ne peut être qu’un immigré ? Moi, je suis peut-être plus immigré que lui, mais comme j’ai la peau blanche, je suis forcément français ? Vous vous rendez compte que vos paroles sont des paroles de guerre civile, des paroles de camps de concentration, des paroles de mort ?

Il ne répond plus. Il ne répond pas. Le monsieur est dans ses peurs, dans ses pulsions irraisonnées. Il n’écoute plus. Moi, monsieur, me dit-il, je suis de droite, j’ai toujours voté à droite, mais si ça continue comme ça, je vais voter Front national aux prochaines élections.
Faut-il des sous-titres, des conclusions, des modes d’emploi à ce récit ? Il existe des partis, des mouvements, des institutions, des intellectuels, qui donnent légitimité à ce monsieur, qui lui disent tous les jours tu as raison d’avoir peur. Tu as raison de penser qu’on ne peut pas être tout à fait français ni tout à fait n’importe quoi si on a la peau noire. Si on ne s’appelle pas Dupont ou Durand. Si on n’a pas le bon rhésus, le bon profil.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire