mercredi 24 avril 2019

le titanic


Pas la peine de faire semblant. Ça risque de mal se terminer. La légion d’honneur à Michel Houellebecq et la suppression de l’ENA ne vont pas me remonter le moral. Il faut relire L’étrange défaite de Marc Bloch. Comment en 1940 les différents corps des élites françaises se sont dissous dans la collaboration ou dans la lâcheté. Les juges condamnaient les communistes, puis les Juifs, puis les résistants ; les lois changeaient mais pas les magistrats.  Les médecins prirent la place d’autres médecins dans les hôpitaux. Les lycées et les universités se purgèrent juifs et des francs-maçons sans que les collègues lèvent le petit doigt. Dans les salles de cours, les professeurs licenciés par Vichy terminèrent leur dernier cours, vidèrent leur casier.  Les collègues évitaient leur regard. Même pas une poignée de mains. Les élèves, oui les élèves, sont venus en groupe leur dire au revoir et leur serrer la main. A la libération, l’ENA fut créée pour remplacer les élites défaillantes, le favoritisme, le recrutement par réseau. Son évolution a remplacé un népotisme par un autre. Mais il ne serait pas inutile de rappeler l’histoire de sa création. La supprimer sans rappeler son histoire, avec un ministre de l’éducation nationale qui fait l’éloge des classes préparatoires, c’est tout simplement reculer devant la bataille nécessaire pour la démocratisation du recrutement au plus haut niveau. Les progrès dans la parité homme femme se sont réalisés et continuent de se réaliser au prix d’une intense bataille politique.

Le recul devant les batailles politiques nécessaires est général. Localement, le PS se basquise, les insoumis rejoignent les séparatismes. Les patriotes enfilent le gilet jaune et les gilets jaunes agitent l’ikurina. Tout le temps et partout, surtout ne pas faire de vagues, ne pas dérange, ne pas exprimer d’opinion. La vie politique s’est tellement tendue qu’il devient difficile à tous les niveaux de parler politique. Trop dur. La République en Marche rase les murs.

            Nous étions six autour de la table  ex-cocos ou ex de gauche. Trois dont moi allaient voter REM (Renaissance) pour les élections européennes.  Deux autres étaient attirés par les écolos, une troisième par Place publique. Avons-nous le choix ? Il faudra bien voter utile contre la montée des populismes. Contre RN, contre LR, contre les identitaires. Sans enthousiasme. Reconnaissons qu'en Europe, la France est l'un des pays où le barrage contre le populisme résiste le mieux. Ou le moins mal. Sans expérience, sans histoire, sans même la volonté de faire de la politique, c.-à-d. d’'intervenir à chaud sur les événements. Avec des élus et des référents qui sont à pleurer d’incompétence. Etrange impression, déprimante impression, d’être sur le Titanic et de n’avoir que le Radeau de la Méduse comme bateau de sauvetage.

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