dimanche 19 mai 2019

voyages


Voyages.

            Avec Pat et Tony, nous avons voyagé et nous voyagerons encore. Mais chaque fois, avec un objectif précis. Surtout ne nous parlez pas de vacances. Des vacances… le mot signifie le vide, la mort. Ils sont venus à Biarritz pour participer à une réunion où une quinzaine de personnes ont discuté avec eux du Brexit, de l’Europe, du vote du 26 mai. La veille,  ils avaient assisté à un face à face avec les blanchisseurs des crimes d’ETA. Une bonne leçon de français, avec répétition pour bien apprendre les phrases simples. « Vous n’avez pas le droit d’entrer, vous n’êtes pas journaliste ». « Je viens poser des questions au nom des victimes ». Vous n’avez pas le droit d’entrer. « Vous censurez les victimes. Vous les enterrez une deuxième fois. Vous êtes des censeurs et des fossoyeurs. » Répétez. Pat prenait des photos.

Voilà. C’est comme ça qu’on voyage sans être en vacances. Ainsi nous avons voyagé dans les Midlands pour visiter les musées de la révolution industrielle. Nous avons navigué sur le canal de Charente pour apprendre le maniement des écluses. Nous avons mesuré le vent des Orcades, analysé le whisky écossais à Edimbourg, retenu des salles pour un colloque à Manchester, pressé les Britanniques contre notre sein pour qu’ils votent contre le Brexit. Des vacances ? Jamais. Chaque fois que nous croisions un groupe de touristes en train de photographier un coucher de soleil, nous échangions des regards entendus. Plutôt creuser un canal en Sibérie que de piétiner devant la Joconde.

Nous nous reposions au retour, reprenions des forces pour une prochaine expédition.

Partir sans prendre de vacances devient un exercice ardu. En effet, une partie des voyageurs partage nos préoccupations et demandent aux agences de voyage des itinéraires personnalisés d’où le mot vacances sera interdit. Certains vont planter des arbres en Amazonie, apprendre le quechua dans les montagnes du Pérou, emporter des cahiers et des crayons au Venezuela. A mesure que ces pratiques se généralisent, il devient de plus en plus difficile de s’éloigner du foyer sans qu’au retour la question cinglante vous insulte : alors, c’était comment vos vacances ? ». Des personnes qui se prétendent mes amis me demandent si je passe de bonnes vacances à Biarritz alors que je vis ici depuis la nuit des temps. Et que mes nombreuses activités dans cette belle ville côtière sont souvent agréables certes, n’ont rien à voir avec des vacances. La preuve, c’est que souvent des touristes me demandent le chemin jusqu’au Halles, ce qui prouve bien qu’ils m’accordent le statut d’autochtone. Mais vous voyez la difficulté : même en restant chez soi, on a un peu de mal à ne pas être en vacances, alors imaginez sur le quai d’une gare avec une valise à roulettes…

Après de longues discussions et plusieurs idées pour partir en non-vacances, nous avons finalement trouvé. Nous irons à Lublin, en Pologne, là où j’ai abandonné ma famille en 1938. Personne ne se risquera à dire que ce seront des vacances.

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