Réunion du conseil de quartier rue Pierre Budin jeudi 20 octobre 2011, 19 heures 30. Le préau d'école est plein. L'atmosphère est surchauffée. Le récit d'incidents et d'agressions se déroule en flux tendu, c'est de pire en pire, les gens qui vivent depuis longtemps confirment, les jeunes qui arrivent vont péter les plombs, il va y avoir une insurrection de la population, tout se répète et rien ne se fait. Dans l'ordre et dans le désordre: l'épanchement d'urine sur la voie publique, les prostituées qui parlent fort sous les fenêtres, les ventes à la sauvette qui empêchent la circulation des piétons. Et curieusement, la drogue, du point de vue des inquiétudes et des interventions vient en dernière position.
"En face", les juges et les commissaires, les élus, sont à la peine. Ils expliquent les efforts, les arrestations, les préventions, on ne les écoute pas. Les gens dans la salle, près de deux cents personnes, population mêlée, des foulards et des couleurs, ils disent tous, ils crient tous la même chose. Dans les autres quartiers de Paris, on ne tolérerait pas une telle situation.
Comment réagir? Premièrement, prendre ces cris de détresse comme le refus que le quartier se transforme en ghetto à l'abandon. Le pire dans les endroits déshérités, ce n'est pas quand les habitants crient, c'est quand ils déménagent sans bruit. Dans le préau de l'école, personne ne parlait de partir. Au contraire, il y avait de jeunes nouveaux arrivants et ils n'étaient pas les moins véhéments. C'est ici qu'ils veulent vivre. Ils ne sont pas désespérés, ils sont en colère.
Deuxièmement, sur toutes les difficultés que connait le quartier, les interventions sont permanentes: aide aux jeunes scolaires, en difficulté, accueil et prévention dans le champ des drogues, emploi, santé. On n'imagine pas un instant que de temps en temps, deux ou trois par semaine, des brigades viennent distribuer des seringues aux usagers de drogue, donner des soutiens scolaires, accueillir les jeunes en difficulté, de "temps en temps". Le tout se réalise en permanence, avec des succès et des échecs, mais tous les jours, du matin jusqu'au soir. Dans le domaine de l'occupation illicite de l'espace public, l'espace qui permet de se déplacer, de faire des courses, de se promener, d'aller prendre un bus ou un métro, les interventions se font "de temps en temps". Comment voulez-vous que ça marche?
Non seulement ça ne marche pas, mais cet échec visible, spectaculaire, démoralisant, rend inaudibles et invisibles tous les efforts de centaines de professionnels de la santé, de la sécurité, de l'éducation, de la prévention. Oui, les fonds publics s'investissent beaucoup dans notre quartier et avec des résultats. Oui, les taudis laissent place à des immeubles neufs. Oui, médiathèque, centre Barbara, crèches…L'effort financier pour des patrouilles de police permanentes serait, en regard, léger. Et nécessaire. Parce que ce n'est pas de temps en temps que les habitants prennent le métro, vont accompagner les enfants à l'école, faire leurs courses, c'et tous les jours, du matin jusqu'au soir.
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