jeudi 20 octobre 2011

jeudi 20 octobre

               Mes amis me disent tu es triste, et je dois immédiatement leur dire pourquoi, quelle raison, quelle tumeur ou quel détresse. Si je n'ai ni tumeur ni détresse, comment leur répondre?

               Le livre sur l'Irlande aux éditions La Découverte va partir à la fabrication. Je comptais en plus me rendre intéressant dans les prochaines semaines par une opération visant à me libérer d'une lancinante sciatique, mais fâcheusement, la douleur s'est atténuée, et nous nous sommes mis d'accord, mon chirurgien et moi, pour  renoncer à cette intervention. Je ne peux pas vous donner le nom de mon chirurgien car je suis tenu au secret médical. Même l'hôpital, si je vous dis que son nom commence par B, j'aurais des ennuis avec l'Ordre des Malades.

               De nombreuses personnes vont mal pour des raisons objectives: manque d'argent, relations familiales pourries, échecs amoureux, travail sans joie, source d'angoisse quand il y en a, et source de dépression quand il n'y en a pas. Les suicides de salariés dépassent en nombre les suicides des chômeurs. Sans compter les femmes au foyer qui ne sont ni chômeuses ni salariées et qui dépriment plus que tous. Et les parents qui dépriment parce qu'ils n'ont pas d'enfant et ceux qui dépriment parce qu'ils en ont. Souvent, les enfants vont mal et les parents c'est encore pire et quand ça va mal des deux côtés, qu'on n'a pas d'argent, pas d'amour ou trop, pas de travail ou un travail, vous imaginez.

               Or, sur tous ces points, aucune difficulté. Je traverse un monde en gésine sans aucun problème. Mes parents sont morts paisiblement d'une crise cardiaque. Les enfants vont bien ou semblent. Je ne suis ni chômeur ni salarié dans un endroit en perdition. Mes amours surfent. Je n'ai pas d'ennui d'argent. Mes amis sont fidèles et vivants, sauf quelques disparus non remplacés.

               Ils insistent. Voici la réponse. Dans un monde d'injustices, de malheurs, promener une gueule apaisée sur les sentiers douaniers témoigne d'une odieuse insensibilité. Ces béatitudes dans les couloirs des couvents et des monastères, ces sportifs du matin dans les parcs, ces supporters au retour d'une victoire, m'insupportent. La réponse est donc simple: je vais mal parce que je vais bien.

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