dimanche 16 mars 2014

Le trou de la sécu

Le      Le trou de la sécurité sociale se creuse chaque jour davantage et sur ce point personne n’a le cœur à rire. La situation est dramatique, ce n’est rien de le dire. Tout le monde en a conscience et si vous voulez tuer l’ambiance d’un repas de fête ou d’une soirée anniversaire, mentionnez à la cantonade l’avenir des retraites ou la chute brutale des qualités des soins dans les vallées des Cévennes.  J’ai essayé de plaisanter sur le sujet, mais c’est impossible, de même que personne ne risque de se moquer des métastases de l’oncle Léonard qui n’a plus que quelques mois à vivre. Certains choses sont taboues, hors d’atteinte des moqueries et de la dérision. 

                 Du trou de la sécu, on ne peut même pas en discuter sérieusement alors que tout le monde connaît les raisons du déficit et pire encore, connaît les solutions pour le résorber. Mais personne ne veut en entendre parler.  Le trou de la sécu est creusé pour l’essentiel par les six premiers mois de la vie et les six derniers. Il suffirait de supprimer une année de vie par personne, ce n’est quand même pas la mer à boire, pour rétablir l’équilibre du budget santé et peut-être même des régimes de retraite, y compris celui des intermittents du spectacle. Or c’est exactement le contraire qui se passe. Les privilèges des plus dépensiers sont immenses. Dans les transports publics ou devant les guichets, il suffit d’être très âgés ou très jeunes pour gagner quelques places ou obtenir le droit de vous asseoir alors que vous êtes déjà dans une poussette ou un fauteuil roulant. Tous les hôpitaux, toutes les cliniques, tout le personnel hospitalier et libéral, sont mobilisés pour les premiers et les derniers mois. Comme si l’intervalle de temps entre ces deux périodes de la vie n’avait aucune importance. On consacrera beaucoup plus d’argent pour soigner la diarrhée verte d’un nourrisson que pour soulager la bronchite chronique de la vedette des Misérables III dont dépend le succès du film. Chacun connaît le résultat,  dramatique. Les salles d’attente et les lits d’hôpitaux sont encombrés de nouveau-nés que des parents de mauvaise foi amènent pour un oui ou un non alors qu’ils ne savent pas encore parler. Tandis que l’acteur qui va jouer Jean Valjean dans les Misérables III patiente dans un couloir venteux en essayant d’expliquer que chaque heure perdue coûte des millions d’euros à la production et risque de mettre des centaines de salariés au chômage. Voilà où nous en sommes et personne n’a le droit de protester. Bien pire, plus le bébé naît tôt, plus le vieillard meurt tard, et plus on s’en occupe. Un prématuré déraisonnable qui arrive au monde trois ou quatre mois avant terme sera bien mieux pris en charge par la collectivité que le bébé qui attend paisiblement, à l’abri du besoin, les neuf mois réglementaires. On encouragerait les mômes à la naissance avant terme qu’on ne s’y prendrait pas autrement. A l’autre bout de la chaîne, ce n’est guère mieux. Il est vrai qu’il est plus facile de déterminer les six premiers mois de la vie que les six derniers. Mais le gaspillage n’en est que plus flagrant. Il arrive souvent qu’on dépense l’argent normalement réservé aux six derniers mois pour des périodes qui peuvent aller jusqu’à cinq à dix ans. Est-il si difficile de dire aux patients ainsi privilégiés qu’ils ont dépensé leur crédit de fin de vie et qu’ils peuvent continuer de vivre s’ils le souhaitent, mais pas aux dépens des fonds publics ? Il ne s’agit pas d’euthanasie. Mais à partir du début plus six mois, de la fin moins six mois, les soins deviennent payants. Personne n’a ce courage et évidemment, le trou se creuse.


                        Au début de la vie, on considère comme une catastrophe la perte d’un nouveau-né. En fin de vie, on encourage les anciens à vivre le plus vieux possible. On réserve des cabines de luxe aux prématurés. On accorde des récompenses, des médailles, des légions d’honneur, des gâteaux d’anniversaire, à ceux qui vivent plus longtemps que d’autres. Être centenaire est plus glorieux que d’obtenir le prix Nobel. On valorise les soins palliatifs, on criminalise l’euthanasie. Les maisons de retraite ne suivent plus et croulent sous les demandes. Voilà ce qu’il se passe quand on respecte le début et la fin plus que le milieu. 

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