mardi 15 novembre 2016

infatigables


Ayant poussé son rocher jusqu’au sommet de la Rhune, constaté que ce rocher roulait vers la vallée et qu’il fallait recommencer, Sisyphe sortit sa carte d’identité d’un portefeuille patiné et remarqua que l’heure de la retraite avait sonné.

Que signifie la retraite pour un homme condamné à perpétuité à hisser un rocher au sommet de la Rhune, à l’observer roulant vers la vallée et à recommencer ? Cela signifie, pour qui ne croit pas à l’éternité d’un être humain, cela signifie déposer le rocher dans la vallée et ne plus le pousser vers le haut, ou bien, quand le rocher est en haut de la Rhune, le caler soigneusement pour qu’il ne puisse plus rebedouler.

C’est impossible, comme l’a si bien démontré Albert Camus, Sisyphe ne peut pas prendre sa retraite, il a été condamné aux travaux forcés à perpétuité, sans droit de grâce. Comme il est immortel, il est bon à rouler son rocher le long des rails du petit train de la Rhune jusqu’à la nuit des temps.

S’il est un être humain, il ne s’arrêtera qu’avec un AVC, un cancer terminal ou un accident mortel. En attendant, il lui faut pousser. S’il est un être humain, ses forces déclineront, ses muscles s’affaibliront, son souffle deviendra court, ses yeux distingueront mal l’horizon. Pour continuer à pousser son rocher, il lui faudra d’abord arrêter de fumer. Ensuite porter des lunettes. Ensuite diminuer régulièrement le poids du rocher. Pour réduire la charge, il peut tailler la pierre et en diminuer la masse. Ou bien remplacer le rocher par une imitation de même taille, mais en mousse de polystyrène qui ne pèse pas grand-chose. Pour sa réputation, la deuxième solution est la meilleure, car la première aboutit à une grimpée de la Rhune avec un petit caillou dans la poche.
          Infatigables, les militants de gauche doivent par les temps qui courent choisir entre un modèle réduit ou une contrefaçon.

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