vendredi 30 juin 2017

insoumission


Si je parle d’actualité, je répète ce qui se dit mille fois partout. Si je parle de l’inactualité, je risque de me répéter.  

La solution, s’il en existe une, est de parler de l’inactualité de l’actualité. Et là, on peut en parler tous les jours, de l’inactualité de l’actualité. Par exemple, tout le monde parle de cravate absente. Les adversaires des insoumis se moquent de ce geste d’insoumission. Ils ont tort. L’insoumission n’est telle que dans ses traces, dans son héritage. « Nous sommes ici par la volonté des gens, nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes » en est un exemple célèbre. En attendant le verdict des historiens, l’insoumission est d’abord un état d’esprit. Si les insoumis estiment que refuser de porter une cravate est l’équivalent moderne de « nous sommes ici par la volonté des gens », personne ne peut leur enlever ce droit. Ils sont insoumis parce qu’ils l’ont décidé. Ils pensent que le port d’une non-cravate est un acte d’insoumission, alors que le port d’une cravate est un acte de soumission. Il ne faut pas se moquer. C’est leur droit absolu. Ils sont insoumis parce qu’ils ont décidé d’être insoumis.

Je les comprends parce que moi aussi, je suis un insoumis, un rebelle. Ainsi, à l’époque lointaine où la cravate était obligatoire à l’université, j’arrivais au cours, dans les jurys, dans les séminaires, sans cravate et les chaussures non cirées. On disait de moi « ça ne m’étonne pas, c’est un insoumis ». Je portais aussi des cheveux longs. Après 1968, où le port de la non-cravate était obligatoire, où les cheveux devaient s’allonger parfois jusqu’aux épaules, j’ai coupé mes cheveux court, une coupe quasi militaire, et j’ai sorti mes cravates du placard et je vernissais mes chaussures. Tous les jours, je mettais une cravate. J’arrivais aux cours, dans les amphis, aux séminaires, avec une cravate, les cheveux courts et les chaussures cirées et on disait de moi, « ça ne m’étonne pas, c’est un insoumis ».

Personne ne se moquait. Personne ne persiflait. Personne ne raillait « tu parles d’une insoumission ». J’étais insoumis parce que je l’avais décidé. J’étais insoumis dans ma tête.

Sur un point je me permettrai une remarque, une nuance, une critique peut-être : c’est le caractère sexiste de l’insoumission cravatière. Si être insoumis, c’est porter une non-cravate, comme les femmes peuvent-elle manifester leur insoumission ?


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