dimanche 3 septembre 2017

biarritz liverpool


Paris Liverpool août 2017


 


 


Depuis juillet 2017, le trajet Biarritz-Paris prend une heure de moins. Au lieu de déjeuner dans le wagon-bar qui en général nous donne des plats oubliables et souvent n’a plus rien à offrir que des cacahuètes, nous déjeunons avec Sophie dans une brasserie près de l’hôtel. Le soir un très bon moment avec le spectacle du Gymnase : « le gros diamant du Prince Ludwig. Collation après le spectacle, une soupe, n’était-ce pas ? Avec Miren et ses amis. Un ami de Miren, biarrot pur sucre, pense que les défenseurs de la plage Marbella sont un peu à la recherche de l’entre soi. Les vrais enfants du pays ont été chassés de la Grande Plage par les touristes, ils se sont réfugiés à Marbella et maintenant, on veut à nouveau les déranger. Leur disputer leur coin d’océan, le sable où ils sont nés.

Le lendemain, voyez nos deux grands voyageurs, ils en ont la carte, une valise à roulette tenue fermement par la poignée coulissante, un sac en bandoulière, parfois une canne. Ils poursuivent leur voyage vers Liverpool, la gare du Nord, Eurostar, le tunnel sous la Manche. Les inconvénients de ces déplacements sont bien connus. En voyage, le paysage est surprenant, les chaises plus dures, la douche moins bien réglée. Les trottoirs sont encombrés d’une foule inhabituelle. Pour vous dire la vérité, je trouve que les voyageurs sont mal traités. Que pour un voyageur qui mange sa route avec un bâton de pèlerin dans un chemin boisé sentant bon la noisette, où un lapin et une lapine et une famille de lapereaux jouent à cache-cache dans les herbes, dérangés parfois par une biche bondissante, tandis que le soleil de lève et que le paysan offre au cheminot un verre de vin rouge, un tranche de pain qui sort du four et du pâté de campagne, puis le voyageur reprend son sac et son bâton et là on peut dire qu’il est bien traité. Mais en général, la plupart du temps, il n’est pas bien traité. Il doit se plonger dans une forêt de roulettes et de poussettes qui lui mordent les mollets, il suit les pancartes, il est prisonnier de bandeaux qui lui interdisent d’avancer, de reculer, de franchir les limites, qui l’obligent à suivre ces rubans bleutés. Des uniformes lui montrent la direction d’un doigt impératif, d’autres uniformes plantent leurs doigts dans la vitre du guichet pour saisir votre carte d’identité ou votre passeport et aussi votre billet de transport que vous avez imprimé de votre ordinateur après des minutes précieuses de promenades sur la toile, une grande feuille A4, qu’il faut plier quinze fois pour glisser dans le portefeuille, vous vous rappelez le petit rectangle en carton qui se glissait sans effort dans la poche en cuir. Après avoir fait la queue entre les bandeaux, vous réussissez à atteindre le guichet, la Mecque des touristes, où est écrit Douane et Police.  L’uniforme appuie la carte d’identité sur une surface noire et glacée, protégée par un toit opaque, la carte a disparu, les doigts la serrent contre une surface reliée à un fichier inquiétant, puis l’uniforme vous regarde sans sourire, regarde le visage du document qui ne sourit pas non plus, car il est interdit de sourire sur une pièce d’identité, puis regarde votre vrai visage et efface votre sourire par un œil sévère, ne vous dit pas au revoir merci, bon voyage, que le ciel vous accompagne ou bon séjour à Londres, ils ne disent rien, mais on voit bien qu’ils se méfient, qu’ils ne vous font pas confiance et vous vous demandez pourquoi, la canne appuyée sur la valise roulante, mal à l’aise pour répondre au téléphone, parce qu’il faut poser la canne, stopper la valise mobile qui continue d’avancer sur son élan, remplacer les lunettes de vue lointaine par les verres de lecture pour lire qui vous téléphone, reprendre la canne, vous retourner avec irritation pour indiquer aux voyageurs pressés derrière vous qui vous poussent avec leur valise et leur poussette que quand même vous pouvez répondre, il n’y a pas le feu, le train attendra, il attend toujours, et d’accord c’était une publicité, un appel à cotiser pour une organisation humanitaire, mais c’eût pu être une parole angoissée d’un proche accidenté. Vous faites encore dix pas et à nouveau, le billet plié et déplié, le passeport à la main, vous passez sous un portique, les poches vidées de vos objets métalliques rassemblés dans un plat noir, en plastique laminé, tandis que le sac bandoulière et la valise immobilisée comme une tortue sur sa carapace, les roulettes en l’air, glissent vers la sortie du tunnel qu’on annonce régulièrement. Une affichette annonce en images les objets défendus : armes de poing, explosifs, crème à raser. Les différentes prothèses ayant déclenché l’alarme, un uniforme vous parcourt les formes avec un détecteur à métaux.

Dans la salle d’attente, vous déjeunez d’un croissant et d’un café assis sur une banquette en moleskine qui baigne encore du café précédent, recouverte des miettes de viennoiserie du train de 9.58. Une averse crève le toit de l’espace voyageur protégé par une bâche, des flaques d’eau reflètent le ciel gris. Des employés entourent les lacs d’indicateurs jaunes pour prévenir les glissades ; d’autres employés aspirent l’eau avec des serpillières. La file zigzague entre les points d’eau vers l’entrée des wagons de 1 à 10. L’Eurostar, ce n’est pas n’importe quel train, un groupe de jeunes parle à voix basse, on n’entend pas leurs tablettes, ils ne mettent pas les pieds sur les sièges. Je vous jure que c’est vrai.

Les valises ont été rangées, les journaux déployés, les feuilles à garder arrachées, la bouteille d'eau décapsulée, les vestes allongées sur le porte-bagages, nous sommes serrés comme dans un avion locauste et nous entendons un message urgent. D'habitude, on n'écoute pas les messages, qui vous disent le train où vous avez pris place se dirigent vers Saint-Pancras et mettez des étiquettes au bagage, depuis le temps qu'on voyage, on sait tout ça. Mais le message dit autre chose. Il dit que pour des raisons de sécurité, à la suite d'une "intrusion", tous les voyageurs, donc aussi Brigitte et moi, tous les voyageurs doivent prendre leur valise, descendre du train, ne rien laisser à bord, sortir du train, recommencer tout comme si on venait d'arriver, et qui est décrit plus haut, je ne vais pas recommencer, tout se passe une seconde fois, billets contrôlés, passeports aplatis, comme dans ce film avec Bill Murray, Un jour sans fin où chaque jour tout recommence pareil. Tout pareil.  Y compris un coup de téléphone avec arrêt. Sauf le petit déjeuner. Tout ça prend une heure et demi, une heure et demi de retard, on va avoir une sacrée compensation.

À partir de là, tout se déglingue. Arrivée à Saint-Pancras avec une heure et demie de retard, nous allons acheter des billets pour Liverpool à la gare de Euston. Environ un kilomètre de marche, le trottoir est en plus mauvais état que les trottoirs de Biarritz, mais Londres, c’est une capitale tout de même. Les roulettes se coincent, les poussettes dérapent, les chaussures trébuchent. Une demi-heure, le soleil brille. Nous demandons notre chemin vers la gare de Euston, les gens sont aimables et nous montrent la direction. Nous devions être à Liverpool à 19 heures pour un repas chinois. Le temps est mesuré. Nous ne pourrons pas manger le fish and chips dont je rêvais. Nous reprenons une place dans la queue pour les guichets sur un chemin marqué par des rubans bleus. Vingt minutes d'attente, canne et roulettes. L’employée du guichet nous explique que les trains de Londres à Liverpool et retour, selon l'horaire, selon qu’il est direct ou avec changement, selon la compagnie, le tarif varie de 80 livres à 600 livres. Vous avez bien lu. De 1 à 8. Donc évidemment nous prenons les billets à 80 livres, à ce prix, ce n'est pas direct, il faut changer à Statford. Le train part dans une demi-heure, sans déjeuner, à cause de l'intrusion Gare du Nord, sans doute un clandestin qui voulait se rendre en Angleterre. À lui tout seul, il a fait descendre près de mille personnes du train. On a les billets, on prend le train,  Mille personnes qu'il a dérangées ce jour-là. Malgré la perturbation, il me reste suffisamment de cœur pour penser à ce clandestin qui a dû maintenant quitter l’Eurostar pour le bitume de la Gare du Nord. Je ne vérifie pas la liste des gares, je regarde juste l’heure, il faut descendre à Statford. On prend le train, le train démarre, et nous descendons à Stegford parce que Statford n’est pas sur la liste des arrêts. On descend à ce qui est phonétiquement le plus proche, ce qui est d’une absurdité sans nom, et témoigne d’une certaine nervosité collective du groupe ensemble embarqué,  elle et moi, qui dans l’adversité tient bon, se tape sur l’épaule, mais comment peut-on descendre à une gare phonétique pour changer de train ? Stegford ou Statford. Pour aller à Vichy, descendez à Clichy. On se retrouve à Stegford, nous étions les seuls à descendre, Stegford est la petit gare d’un village desservi trois par semaine par une navette et c’est tombé sur nous. Personne ne descend avec nous qui aurait pu nous renseigner, pas une boutique à l’horizon pour une boisson et un biscuit, je rappelle au lecteur négligent que nous n’avions pas eu le temps de déjeuner en garde de Euston. Le quai est désert. Une rampe d’escalier aussi haute que les pyramides Incas est la seule issue. Brigitte monte les marches, je reste en bas avec les valises à roulettes immobiles. Là-haut, Brigitte discute avec un employé aimable, excité comme un pou, une telle aventure, une histoire qu’il pourra raconter le soir au pub, pendant des semaines, un couple de voyageurs égarés, affamés, à qui il a donné un verre d’eau, qui ont confondu Statford et Stegford. J’ai cherché sur mon ordinateur et j’ai trouvé un train pour Birmingham où ils devraient changer pour Liverpool et changer encore une fois à Statford. Ils ne seraient pas à Liverpool avant neuf heures du soir et pour le resto chinois, c’était râpé. Le monsieur disait à la dame, on s’est trompé de train et on aurait pu lire le sous-texte de ses paroles que la dame aurait pu mieux vérifier, ou bien qu’ils n’auraient pas dû descendre à Stegford et on pouvait entendre, tu t’es énervée et du coup on est descendu où il ne fallait pas, mais le verre d’eau a tout calmé et on sentait malgré tout, malgré un énervement passager (c’est le mot juste), malgré une irritation compréhensible, que entre ces deux-là, c’était du solide.  À Birmingham, le train pour Statford ne nous a pas permis d’acheter un paquet de biscuits, nous avons demandé au contrôleur si le train allait bien à Statford, cette fois, la prudence n’était pas excessive, il a regardé la liste et nous a d’abord dit non, et j’ai cru alors que ma compagne de voyage allait s’effondrer, puis il a vérifié encore une fois et il a dit, oui, effectivement. Vous changez à Statford, il faut prendre l’ascenseur et monter sur le quai numéro un, vous avez quinze minutes, vous n’aurez pas le temps d’acheter une bouteille d’eau et un paquet de biscuit, mais à neuf heures, nous dit le contrôleur à qui on a rien demandé, la plupart des hôtels servent une collation. Une petite gare de village, avec nos roulettes et la canne, et en reprenant un train pour Birmingham, on finit par arriver à LiverpooL. On a trouvé des places assises.

Comme nous sommes arrivés trop tard pour le restaurant chinois, nous avons mangé une soupe à l’hôtel, tous les hôtels servent des soupes à réchauffer. Le chauffeur de taxi était indien, le personnel d’accueil à Ibis Albert dock (Prononcez Aibis), était polonais, espagnol et lithuanien. Ils parlent tous anglais avec un accent d’Europe centrale ou italien ou espagnol d’Amérique latine, où est passé l’accent liverpudlien que l’on avait tant de plaisir à ne pas comprendre.

Dimanche 27 août. Petit déjeuner anglais, œufs contaminés et tranches de lard frit. La famille et les amis se dirigent à pied vers le port où nous attend une péniche de croisière qui va nous emporter pour une excursion sur la Mersey et le canal de Manchester. Le canal est bordé de friches industrielles, de tours de stockage de gaz et pétrole, coupé par des ponts de brique, de pierre, de fer, ponts fixes, ponts tournants, pont levis. Pendant six heures, une dame vivante, une commentatrice en chair et en os, pas une bande son, mais une voix convaincue et entraînante, nous donne des informations sur les friches, les ponts, les aqueducs, les viaducs, les bandes de revêtement des piliers de béton, des ponts de métal qui ont rouillé à force de ne pas tourner. Le commentaire ne s’arrête que lorsque la péniche stationne dans une écluse, une écluse gigantesque qui met un temps fou à se vider et à se remplir et pendant que l’eau s’en va et qu’elle vient, pendant qu’elle bouillonne et se calme, la commentatrice se tait et on perçoit parmi les excursionnistes une extase collective qui célèbre le silence. Au bar, il y a du stew.

Un autobus nous ramène à l’hôtel et nous reprenons un taxi pour un établissement nommé La Casa. Hope Street. La rue de l’espoir. Cette rue  relie deux immenses cathédrales, la plus ancienne, la protestante, la catholique plus moderne, chacune rivalisant en taille et en ampleur, chacune s’élevant toujours plus prêt de toi seigneur. Liverpool a hérité l’affrontement du 19ème siècle entre l’immigration catholique et la majorité protestante qui craignait le « grand remplacement ». Les partis politiques ont porté le nom de protestant ou d’unioniste, le parti travailliste était surtout catholique, les associations les clubs sportifs, les équipes de foot sont ainsi partagés. Il ne reste plus de cet affrontement que les deux cathédrales qui se font face, rue de l’Espoir.

La Casa est un club ouvrier, les personnages photographiés sur sur les murs sont des salariés, des dockers, des servantes, des métallos. L’orchestre joue des chansons latines, des chansons de combat, de Victor Jarra notamment, le chanteur chilien assassiné par les sbires de Pinochet. Tony réunit ici sa famille et ses amis, il fête ses 80 ans et fait un discours tout entier consacré à une argumentation serrée, passionnée, contre le Brexit. À partir des expériences de sa vie, la Seconde guerre mondiale, les premières images des corps empilés dans les camps nazis, la libération, les soldats américains qui jetaient des friandises dans la cour des écoles avant d’aller mourir sur les plages de Normandie. Il a été permanent syndicaliste, parcourant le monde pour organiser les marins, il a été membre du Parti communiste de Grande-Bretagne et il rappelle sa colère quand le journal communiste, le Morning Star, publiait sur huit colonnes, en gras, un appel à voter non au referendum d’adhésion à l’Europe « pour la grandeur de l’Angleterre ». Dès 1972, pourtant membre du Parti, il a voté oui à l’Europe. La sortie de l’Europe est un véritable crève-cœur et il demande à l’assistance de mener campagne partout où ils peuvent pour retrouver le chemin de l’Union européenne.

J’écoute le discours devant un verre de vin rouge et je pense la colère au ventre au front uni qui a salué la victoire du repli britannique, depuis les lepénistes jusqu’aux insoumis. J’écoute Tony et je me dis que le même combat nous rassemble partout, contre les replis identitaires lourds de menaces guerrières et le combat pour l’organisation de tous pour faire humanité. Happy Europe to you, Tony.

Après les agapes et les discours, on se retrouve au petit déjeuner au musée Walker. À nouveau, nous discutons de l’Europe, du changement de position du parti travailliste qui rompt avec l’ambiguïté et veut faire des prochaines élections une nouvelle étape vers la réintégration. La France rancie, de droite et de gauche, va crier d’une seule voix à la trahison, car ils savent mieux ce qu’est le peuple anglais que le parti travailliste, que l’ensemble des syndicats. Tous ceux qui veulent remplacer Macron par Maduro ou par Orban, et comme ces deux dirigeants modèles et sources d’inspiration, ils voudraient dissoudre l’Assemblée nationale et la remplacer par le vrai peuple.

L’exposition du musée Walker s’intitule « Coming out » et célèbre les cinquante ans de dépénalisation de l’homosexualité.  À partir de 1967, en Angleterre, ce n’est plus un crime d’avoir des relations sexuelles entre adultes du même sexe.

L’après-midi, visite du musée de l’émigration et le musée de l’esclavage. Le musée de l’émigration est un modèle de présentation claire, pédagogique, argumenté, historique. Les raisons de l’émigration, la répression, la misère, la recherche d’un autre avenir. La place de l’émigration dans la richesse du port de Liverpool, et la richesse de l’immigration pour les pays d’accueil.

Le musée de l’esclave est en revanche une installation foutraque qui vise la compassion et la colère, mais pas la réflexion. Mise en scène par des militants bien intentionnés, mais sans souci pédagogique ni politique. Quelle fut la place de l’esclavage dans l’économie des sociétés esclavagistes, les facteurs qui ont conduit à l’abolition, facteurs économiques, politiques, religieux ? Rien n’est expliqué.

Bank Holiday, c’est trois jours fériés samedi, dimanche, lundi. Trois jours de musique à Liverpool sur Albert Dock. Les anciens docks en perdition sont devenus des musées, des commerces, des restaurants. Pendant les trois jours de fête, tout le long des quais, des groupes pop, des chœurs de marins perchés dans les vergues, L’équipe historiquement catholique d’Everton a battu Arsenal 4 à 0. Pendant ces trois jours de fêtes, la foule déambule le long des quais, et pendant ces trois jours, nous n’avons vu aucun uniforme, sauf les gardiens de musée. Pas de policier, pas de mesure de sécurité particulière. Sont-ils inconscients ces Britanniques ou le sommes-nous trop ?

Dans la foule, d’un seul coup, une famille musulmane intégriste. La femme est cachée par une burqa intégrale, deux petites filles entre cinq et huit ans portent un voile serré et l’homme se promène en manche de chemise. Le spectacle m’a fait peur, toutes ces vies emprisonnées et fières de l’être.

Mardi 29. Visite de Port Sunlight, la cité modèle de Lever, le fabricant de savon. Rappelez-vous Sunlight. Pas du tout les phalanstères d’Europe du Nord, pas des maisons uniformes, mais des logements superbes, au style divers, correspondant aux différentes périodes de l’histoire anglaise, l’Angleterre du Moyen Âge, l’Angleterre élisabéthaine, les styles plus modernes. Le tout dispersé dans d’immenses espaces verts. Aujourd’hui, ce serait une résidence pour riches, pour très riches, avec des gardes armés à l’entrée. Mais il n’y a pas d’entrée. La cité est ouverte.

Au centre de la cité modèle, un grand musée, le musée de Lady Lever, où ont rassemblées les richesses accumulées par la famille Lever qui avait beaucoup d’argent, énormément d’argent. Ils achetaient des tableaux de toutes les périodes, Millais, Turner, Constable, des sculptures, des chinoiseries, de la porcelaine Wedgwood, des meubles anciens.

L’après-midi,  visite de la galerie Tate Liverpool, une exposition sur l’Allemagne 1919-1933, avec des photos de Sander et surtout cent cinquante œuvres majeures d’Otto Dix, qui décrivent une société disloquée mieux que beaucoup de livres d’histoire.

Nous sommes rebelles et insoumis. Partout, nous luttons. Dans les musées que nous avons visité, partout où il y avait une notice « do not touch », nous avons touché. À l’hôtel, pour protester contre l’absence de marmelade, à la question combien de petits déjeuners, j’ai répondu trois alors que nous en avons pris quatre. L’insoumission n’est pas une politique, c’est un état d’esprit. Les mains nues, sans argent, sans alliés, quand je vois une notice ne pas toucher, je touche.

Chien écrasé craint les chemins de fer. Depuis Liverpool, mille fois nous avons demandé si le train s’arrêtait bien à Statford. Puis nous avons demandé le chemin de Euston à St Pancras, traîné les valises à roulette sur un trottoir délabré, autant qu’à Biarritz, mais c’est la capitale quand même. Sur ce trottoir délabré, malaisé, poussiéreux, des milliers de malheureux tirent leur valise à roulette si pratiques sur une surface lisse et bien entretenue, mais ici les roulettes s’enfoncent dans la boue, patinent sur les cailloux, freinent dans la poussière. Par milliers, entre les deux gares, les voyageurs traînent leur valise en regardant avec envie les jeunes campeurs sac à dos et brodequins de marche qui traversent la ville sans roulette.

Retour en France, les taxis sont chers, les restaurants bruyants, les conversations inquiètes. Nos amis se moquent de nos inquiétudes politiques pour eux dérisoires. Vous ne vous rendez pas compte que nous allons à la catastrophe, que l’humanité est condamnée par le réchauffement climatique? La catastrophe annoncée doit-elle nous empêcher d’affronter la vie quotidienne ?


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