dimanche 13 janvier 2019

cent fois sur le métier


Le plus grand nombre de citoyens du Pays Basque français se désintéresse du débat sur la « sortie du conflit ». J’essaye de les persuader que ce débat est central, qu’il porte sur la démocratie. Pas toujours en vain, mais quand même, on m’écoute plus par politesse que par intérêt. Mes interventions font désormais partie du folklore politique du Pays Basque français.

            C’est un défi excitant de tenter de briser ce désintérêt. Cent fois sur le métier je remets mon ouvrage. De nouveaux arguments apparaissent avec la crise des gilets jaunes. Curieusement, bizarrement, deux mondes aussi éloignés que les Artisans de la Paix et les gilets jaunes ont négocié, le 12 janvier dernier, le territoire de leur manifestation. Tu me laisses Bayonne, je te laisse Biarritz. Jamais je n’ai entendu les conditions de cette répartition. Les Artisans de la Paix ont-ils demandé aux gilets jaunes de ne pas briser de vitrines ? De ne pas agresser de policiers ? Les gilets jaunes ont-ils demandé aux Artisans de la Paix de demander la libération du boxeur emprisonné ? Rien n’a filtré. Mais pour qu’un tel accord puisse se réaliser, il faut bien un minimum de terrain commun. Lequel ?

            C’est un accord politique. Un accord entre ceux qui acceptent plus ou moins activement de légitimer deux graves atteintes à la démocratie. Ce brouillard de sympathie autour des anciens terroristes annonce le brouillarta qui entoure les gilets jaunes. Quand une minorité veut imposer son point de vue par la terreur, en politique, cela s’appelle un putsch. Pinochet au Chili ou les FARC en Colombie ont en commun de ne pas supporter le peuple quand il ne partage pas leurs opinions. L’IRA et l’ETA n’ont pris les armes pas parce qu’ils représentaient « le peuple » mais parce que la majorité du peuple ne souhaitaient pas les suivre.

            Le deuxième principe qui est bafoué par tous ces manifestants est non moins central ; dans une démocratie, les conflits ne manquent pas, mais ils sont généralement résolus par la négociation, par des compromis. Pour les putschistes de toute nature, la résolution d’un conflit passe par l’élimination de l’adversaire. Regardez bien ceux qui sont désignés comme adversaires à éliminer par les terroristes basques comme par les gilets jaunes : les élus, les journalistes. On ne discute plus, on élimine. Symboliquement d’abord.

            Quand la terreur ou la violence armée, se répand, qu’elle obtient l’appui d’une partie de la société, la démocratie peine à s’exercer. En Irlande du Nord, au Pays Basque espagnol, tant que durait la terreur, rien n’était plus urgent que de l’arrêter. Tous les autres problèmes étaient balayés par la nécessité d’un retour à la paix. Les partis politiques se réalignent sur cette question, les syndicats, les associations, les mouvements culturels, les mouvements féministes, étaient tous traversées, et souvent paralysées, par la présence permanente de la violence armée.

            Les gilets jaunes, par leur comportement, leurs actions, leurs agressions contre l’état de droit, contre les élus, les commerces et les journalistes, agissent selon le même principe : a raison celui qui dispose des moyens de la violence et de la terreur. En mode mineur, bien évidemment, mais le principe est le même. Les incendies de résidences secondaires, les descentes sur les voies du TGV,  les vitrines des agences immobilières, sont de même nature. Ils ont raison parce qu’ils utilisent la violence.

                        Demain, quand un certain nombre de manifestants violents auront été condamnés, nous pouvons compter sur les séparatistes basques pour organiser des manifestations de soutien, des demandes conjointes de libération de rapprochement, d’amnistie. Avec le soutien actif ou résigné d’une partie des élus du territoire.

            Ce qui est en jeu c’est la défense d’une société démocratique. Chez nous. Ici et maintenant.

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