jeudi 17 janvier 2019

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Content pas content

 

            Décembre 2018. Un groupe de quelques dizaines de milliers de personnes mécontentes d’une augmentation de la taxe sur le diesel et d’une diminution de la vitesse sur les routes départementales ont revêtu un gilet de sécurité jaune dont l’obligation avait failli créer des émeutes en 2008 mais le mouvement avait avorté car les conducteurs n’étant pas encore obligés de posséder un gilet jaune dans leur coffre n’avaient pas de gilets jaunes pour manifester et il fallut dix ans pour que l’obligation du gilet jaune puisse enfin déboucher sur des manifestations de masse.

 

            Première observation : les deux premières revendications des gilets jaunes étaient contraires à l’intérêt général. Les mesures contre lesquelles ils manifestaient étaient des mesures de sécurité routière et de santé publique. Moins de mort, moins de carbone. On peut tourner les choses dans tous les sens. Les gilets jaunes ont manifesté pour plus de carbone et plus de morts sur les routes. Ils n’ont pas manifesté pour la construction de logements sociaux ni pour l’augmentation du salaire minimum, ni pour l’augmentation des minimums retraites, ni pour la construction d’une école, ni pour la paix au Moyen Orient.

 

            A ce sujet d’ailleurs, je demande immédiatement que les deux cent trente personnes qui sont vivantes aujourd’hui alors qu’elles seraient mortes sans la diminution de la vitesse, se manifestent auprès des mairies et des préfectures afin de se faire enregistrer comme « survivants ». Les préfectures leur délivreront un badge de « survivant » qu’elles auront le droit de porter. Elles auront également le droit de donner des cours de sécurité routière dans les auto-écoles et dans les maternelles. Je demande également que les quatre-vingt-trois personnes qui ont évité le cancer du poumon grâce à la diminution du carbone reçoivent elles aussi un badge de « miraculés » qui devra être homologué par une commission de médecins, les mêmes qui homologuent les guérisons de Lourdes.

 

            A ces premières revendications s’ajoutèrent d’autres demandes diverses, la réduction des impôts et la démission du président de la République. Un ensemble hétéroclite qui fut soutenu par les partis d’opposition. Les Insoumis, les LR, les RN, qui naviguaient péniblement par calme plat ont tendu la drisse pour que cette brise inattendue gonflent leurs voiles en berne.

 

            Les gilets jaunes ont été rejoints par des manifestants rouges et bruns qui ont introduit dans le sabbat social une violence extrême. Barricades, pillages, incendies. Sans compter les agressions contre les forces de l’ordre et les journalistes. Ici se place un épisode assez curieux. Des syndicats, des économistes réformistes, des chercheurs progressistes, avaient mis en garde le gouvernement Macron contre un certain déséquilibre de sa politique. Ils ne furent pas écoutés. Alors que des gilets jaunes vrillèrent les tampons des responsables en cassant. Encore une fois, on peut retourner les choses dans tous les sens. Si les gilets jaunes avaient manifesté aussi pacifiquement que les syndicats, les associations écologistes, les mouvements féministes, rien n’aurait bougé. Ce qui a fait bouger les lignes fut la violence extrême et la transgression des lois républicaines. Actes soutenus par près de la moitié de la population. Si l’on avait proposé il y trois mois les mesures du plan d’urgence, on nous aurait expliqué doctement que ces mesures étaient impossibles.

 

            Aujourd’hui le gouvernement tente de reprendre la main avec le « grand débat » qui a l’immense avantage de remettre au centre à la fois les gilets jaunes qui devront clarifier leurs revendications et les mettre en regard d’autres urgences. Et les citoyens engagés qui étaient repoussés dans l’ombre par un tsunami médiatique.

 

            Espérons que ça va marcher. Participons aux débats, comme les marcheurs du comité de Biarritz de la REM, heureux de pouvoir discuter dans un climat de liberté.

 

            Mais reconnaissons que la difficulté est grande. Trente personnes qui discutent pendant trois heures des solutions souhaitables, dans une grande salle du centre de Pays Basque, les journalistes invités ne se sont pas déplacés. Si les mêmes trente personnes avaient mis un gilet jaune, cassé un distributeur de banque et scandé « Macron démission », les caméras et les micros seraient accourus.

 

            Ceci est une donnée qu’on ne peut pas effacer. Inutile de se lamenter. Elle ne disparaîtra pas. Elle signifie seulement qu’il faut des efforts incessants, des initiatives répétées,  pour que les réformistes républicains se fassent entendre. Il leur faut dix fois plus d’effort, efforts intellectuels, efforts de communication, efforts d’explication, qu’un groupe de casseurs orangés. Ces efforts, ces réflexions, sont vitaux, car elles visent d’abord à dissiper le soutien gazeux dont disposent des émeutiers.

 

            L’étape actuelle est pleine de dangers. Rappelons-nous. Au lendemain de la Première guerre mondiale, les années de crise eurent des issues diverses. La Révolution d’octobre en Russie, puis dans les pays capitalistes développés, le New Deal aux Etats-Unis, le Front populaire en France, l’état providence au Royaume-Uni et le fascisme en Italie et en Allemagne. Les différences entre ces diverses issues sont de nature politique. Les peuples sont intervenus dans un sens ou l’autre, pour renforcer telle ou telle option. Aujourd’hui, le choix nous appartient. Entre une issue genre Brexit, ou Italie, ou Orban, ou Bolsonaro, ou Pologne. Ou un New Deal, un Etat providence à la française. Telle est l’ombre portée sous laquelle se mène le grande débat.

                       

 

           

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