vendredi 4 janvier 2019

pessimisme révolutionnaire


Steve Pinker, Le triomphe des Lumières, les Arènes, 2018 (Entretien, Le Monde 1 janvier 2019.



Le monde se porte mieux et le pessimisme domine. Selon un récent sondage, seul 3% des Français estiment que la situation du monde s’améliore. A l’échelle de la planète, l’espérance de vie, en un siècle, est passée de 30 ans à 71 ans. Les pires maladies : malaria, pneumonie, sida sont en recul. Le taux d’extrême pauvreté a chuté de 75% au cours des trente dernières années et il n’y a plus que dix pour de la population mondiale qui est concernée.



Pourquoi le pessimisme ? Les désastres sont rapides et spectaculaires, les progrès sont lents et peu visibles. Un immeuble s’écroule, les victimes sont présentes partout (à juste titre…). Dix mille logements sociaux se construisent, ce n’est pas une nouvelle. Quel journal va titrer : 137 mille personnes ont échappé hier à l’extrême pauvreté ? Ou encore : dix personnes hier sont restés en vie parmi les leurs depuis la diminution de la vitesse sur les routes.



Comme ce sont les événements les plus spectaculaires qui dominent l’information, la société apparaît comme « un puits sans fond d’inégalité, de racisme, de terrorisme, de violence et de chômage. »



Ce pessimisme  démoralise. Si tous les efforts pour que ça aille mieux sont vains, et aboutissent chaque fois à une aggravation de la situation, à quoi bon ? Ce pessimisme stimule le radicalisme. Si tout va mal, tout va pire, il faut détruire l’existant, renverser la table et essayer quelque chose de nouveau.



J’ai passé environ la moitié de ma vie à refuser de voir ce qui allait mieux parce que si les choses allaient mieux, à quoi bon la révolution ? Et l’autre moitié à combattre le pessimisme révolutionnaire. En Irlande du Nord, les patriotes les plus durs refusaient de voir ce qui allait mieux alors que l’Irlande n’était pas réunifiée et les Britanniques n’étaient pas tous partis. Je me vois à Derry, avec un de ces patriotes, dans un quartier du Bogside composé des pires taudis de l’Europe. /Le quartier avait été rasé, des maisons propres les avaient remplacés et mon patriote répétait en boucle « rien n’a changé ».  Les taudis et les logements insalubres étaient détruits dans la Goutte d'Or et les fougueux révolutionnaires n’étaient pas plus contents. Ils disaient que les pauvres avaient été chassés et remplacés par des bobos. Ils ne voulaient pas voir la population modeste qui continuait d’habiter la Goutte d'Or.



A tous ceux, patriotes intransigeants pour qui rien ne va tant que le Pays Basque n’est pas indépendant, insoumis qui ne supportent pas qu’un logement social ou une école démente leur catastrophisme,  nationalistes  qui ne sont à l’aise que dans la fange, gilets jaunes pour qui la révolte est une solution, je souhaite pour l’année 2019 qu’ils ne réussissent pas à à saper le moral, des élus, des associations, des ONG, des bénévoles, des enseignants, des chercheurs, des travailleurs sociaux, des médecins, des animateurs, des syndicats et des entrepreneurs, qui passent leur temps, leur énergie, leur intelligence pour que tous les hommes et les femmes restent debout et marchent.



Pendant que d’autres vocifèrent et gesticulent.




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