dimanche 17 février 2019

la preuve est dans le pansement


Vous vivez dans un pays où existent liberté d’opinion, liberté de manifester, liberté de faire grève, des élections libres,  … Vous êtes révolutionnaire, contre le système, et vous pensez que ce système de libertés formelles est en fait une dictature, du grand capital, d’un état policier, d’informations contrôlées, d’une presse vendue.



C’est une situation compliquée. Plus vous criez au manque de liberté, plus vos cris sont la preuve que ces libertés existent. Plus vous manifestez contre le système, plus vous montrez que ce système permet de manifester. Cette aporie donne aux révolutionnaires un visage triste et une élocution crispée.  Comment s’en sortir ?



Plusieurs moyens existent. Dans un passé récent, des révolutionnaires fougueux qui dénonçaient un état policier en Allemagne, en France, en Italie, en Irlande, prenaient les armes contre cet état policier et lorsqu’ils étaient arrêtés, protestaient contre cette preuve du caractère policier de cet état, lorsqu’ils étaient condamnés, criaient contre la preuve du manque de liberté de cet état. Ces méthodes ont fait leur temps et Che Guevara est devenu moins tendance.



Qu’est-ce qui peut remplacer ces coups de boutoir ? La reprise des mêmes méthodes, mais en mineur. En douceur. Sans tuer personne. Au Pays Basque espagnol, ce fut la calle borroka, des émeutes urbaines, des manifestants qui saccageaient les banques, les centres commerciaux, et qui hurlaient à l’état policier dès qu’ils étaient arrêtés. Avec les gilets jaunes, pour « prouver » que le système est une dictature, il faut manifester sans demander la permission, sans négocier les itinéraires, rencontrer ainsi les forces de maintien de l’ordre et risquer de prendre des coups. Ensuite on montre les bleus et les blessures pour prouver que nous vivons dans un état policier. Ensuite on manifeste avec des pansements pour montrer à quel point l’état est policier.



Un cran au-dessus, on casse les vitrines, on caillasse les policiers, on pille les magasins, et la répression franchit elle aussi un cran, les blessures sont plus graves, et le caractère policier de l’état dictatorial qui empêche les pillages et les caillassages, s’en trouve ainsi davantage démontré.



Alors, les blessés l’ont bien cherché ? Bien sûr que non. Mais une fois qu’ils sont blessés, ils deviennent une preuve, on n’a plus besoin de prouver, ils sont la preuve, que les manifestants ont raison, que l’état est une dictature.



La conclusion est évidente. Il faut que l’état démocratique cherche les moyens les moins maltraitants pour contrôler ces manifestants. Quitte à décevoir gravement les révolutionnaires.

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