mardi 16 mai 2017

on se frotte les yeux


Le PS à 6% se déchire, exclut, inclut, ferme les yeux, décide de réfléchir. La droite se soigne. Le FN hésite entre sortir de l’euro ou rester. Mélenchon aurait aimé six cent mille voix de plus. Pendant ce temps, le président Macron est élu, il nomme un premier ministre de droite.

Tous les militants, gauche, droite, associatif, écolos, solidaires, se frottent les yeux. Ils n’ont jamais vu ça. Pourtant, ils l’ont vu, à une autre échelle, mais ils ne croyaient pas que c’était transposable. Des municipalités, des collectivités territoriales, des agglos, gouvernées par des majorités hétéroclites. Des aventures transversales qui clivaient les partis traditionnels. Voyez la diversité des opinions sur l’ouverture des salles de consommation. Voyez dans le seizième arrondissement de Paris la proportion des habitants qui ont pris position contre les égoïsmes territoriaux. Le droit à l’avortement, la peine de mort, le mariage pour tous, préfiguraient des regroupements inédits. Les traités européens, le Brexit au Royaume-Uni, clivaient les opinions et les partis selon des frontières nouvelles. Face aux populismes de Poutine et de Trump, face aux aventures d’Amérique Latine, face aux régimes de Bachir el Assad, des relations nouvelles se font et se défont.

Nous avions l’habitude, nous ne voulions pas voir. Et voilà, je me sens plus proche culturellement et politiquement d’Alain Juppé et d’Édouard Philippe que de Mélenchon et Fillon. Emmanuel Macron n’est pas né du vide, mais de toutes ces expériences. Son mouvement, son succès, était inscrit dans une longue évolution.

Tout le monde était sûr des étiquettes et des frontières. La finance contre les peuples. Les riches contre les pauvres. La lutte des classes moteur de l’histoire. Ou à l’inverse, ce qui est bon pour la Bourse est bon pour tous. Il est confortable de dénoncer la mondialisation, mais elle sort des dizaines de millions de pauvres de la pauvreté, en Chine, en Inde et Afrique.

J’ai accompagné les changements en Irlande. Jusqu’aux années soixante, toutes les misères, tous les sous-développements, étaient dus à la colonisation britannique ou à son héritage. Dans les années soixante, on s’est aperçu que les Irlandais qui s’enrichissaient allaient investir en Grande-Bretagne, aux États-Unis mais pas en Irlande. Pourquoi ? Bonne question, qui provoqua un vrai séisme. Mais par quoi remplacer la confortable dénonciation de l’impérialisme britannique ?  Comment faire de la politique autrement ? Comment comprendre que les protestants d’Irlande du Nord n’étaient pas des agents de l’impérialisme mais qu’ils ne voulaient pas être intégrés dans un pays dominé par le pouvoir de l’église catholique. Par quoi remplacer la dénonciation des laquais de l’impérialisme ? Bonnes questions. L’Irlande s’est modernisée, s’est laïcisée, s’est ouverte au monde. Les partis traditionnels furent bousculés. L’Irlande était terre d’émigration, elle attire maintenant les migrants. Ce n’est certes pas un paradis, mais à côté du Vénézuela et de Cuba…

Je comprends les désarrois Nous pensions dominer le monde grâce à nos certitudes, et le monde nous échappe. Plus nous nous accrocherons à nos vieilles certitudes et plus il nous échappera.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire