jeudi 26 octobre 2017

il ne s'est rien passé


Vous croyez être en paix parce que l’ETA a cessé le feu ? Erreur. Pour les abertzale, tant qu’il restera un seul prisonnier, la société basque ne sera pas en paix. L’ETA a eu l’immense courage de cesser le feu sans avoir atteint ses objectifs mais ne lui faites pas regretter cette action héroïque en n’acceptant pas ses revendications. Le cessez-le-feu est un acte de bravoure extraordinaire, mais ce n’est pas la paix. Il faut maintenant que les gouvernements français et espagnols saluent l’héroïsme que représente une décision unilatérale et mettent en place une réponse aux revendications des patriotes démobilisés.

Désormais, dans les discours des abertzale, des élus modérés et des faiseurs de paix se répète en boucle l’argumentation nationaliste : l’ETA a cessé le feu et les gouvernements espagnol et français n’ont pas bougé. Rien ne s’est passé entre 2011 et 2017. Et Brisson, Etchegarray, Alaux répètent en boucle les paroles de Mouesca et Otegi : il ne s’est rien passé depuis que l’ETA a cessé le feu.

Rien ? Vraiment rien ? L’impudeur de la société basque française est sans limite. Ce « rien » abominable d’égoisme et de cruauté ne peut être utilisé qu’au Pays Basque français. Au Pays Basque français, nous étions en paix depuis longtemps. Iparretarrak s’était dissout sans théâtre, sans tambour ni trompette. Mais au Pays Basque espagnol, que les familles puissent se promener en fin de semaine sans garde du corps, qu’il n’y ait pas de peur au ventre chaque fois qu’un élu, qu’une journaliste, un policier, avait cinq minutes de retard à un rendez-vous, ce n’est rien. « Il ne s’est rien passé entre 2011 et 2017 ». On ne peut prononcer ce mot « rien » que dans un pays où le sang avait cessé de couler, où la terreur avait disparu. Ce mot « rien » explique pourquoi les faiseurs de paix ont entraîné la société basque française quasi unanime. Elle n’avait rien fait, cette société basque toute entière, quand les morts s’accumulaient au sud, que les entreprises soumises à l’impôt révolutionnaire faisaient faillite, que les universitaires s’exilaient, alors qu’alors, on aurait eu besoin de faiseurs de paix, mais ils regardaient leurs sandales. Alors on se rattrape en faisant semblant de mettre fin à une terreur quand elle n’existe plus. On déterre des pétoires rouillées et on va manifester pour l’amnistie des prisonniers parce que si on ne règle pas la question des prisonniers, la guerre risque de repartir. Et on répète en boucle, il ne s’est rien passé entre 2011 et 2017, simplement que les élus se promenaient le long de la mer avec leurs enfants sans garde du corps. Courageusement, la société basque française a transformé ce rien en quelque chose, en conflit terrifiant, d’autant plus terrifiant qu’il était imaginaire.

La société civile ayant désarmé ceux qui étaient désarmés, doit maintenant contribuer à la réintégration des prisonniers qui pour ces braves gens sont des prisonniers politiques qui ont mené un combat patriotique. Là aussi, il faut accepter la thèse de l’ETA : que la mort de Franco n’avait rien changé à l’Espagne. Les prisons étaient les mêmes, les tortures se poursuivaient et si des membres du GAL et un ministre de l’intérieur était condamné et emprisonné, ça ne prouvait rien puisqu’on vous dit que rien n’avait changé depuis la mort de Franco.

Cette tactique menée de main de maître depuis le Pays Basque espagnol, par les abertzale radicaux qui s’extasient devant l’engagement de la société civile frappée d’amnésie sur leurs crimes, ne peut se mener à bien que si l’on oublie les victimes de l’ETA. On peut parler des victimes de manière abstraite, mais dès qu’on donne un exemple précis, on s’oppose au processus de paix. Pour les prisonniers, on n’arrête de décrire la souffrance des prisonniers malades, les accidents de la route des familles qui viennent les visites, tout cela est licite. Mais si l’on parle des souffrances concrètes des victimes de l’ETA, on s’oppose au processus de paix. Yoyès abattu dans un marché devant ses enfants, les entrepreneurs abattus, les cavernes des séquestrés, chut, s’il vous plaît, vous allez déranger le processus de paix. Seuls souffrent désormais ceux qui sont en prison, ne souffrent pas ceux qui dorment aux cimetières, ni eux,  ni leur famille.

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