mardi 26 décembre 2017

urgences


Tic tac, l’horloge égrène les secondes, les aiguilles rampent sur le cadran, les événements se raréfient. Entre chaque événement, remplir le temps. Quand j’étais en pleine activité politique, professionnelle, familiale, les affairements étaient d’une grande utilité. Par exemple, amoureux, je considérais alors que rien n’était plus important que de retrouver la belle et les cours à la fac, l’écriture d’un article, la sortie au cinéma, l’intervention dans une réunion, la préparation d’un dîner, le tour de Paris à vélo, la lecture d’un livre d’histoire, la lessive et le repassage, les longs coups de téléphone au service après-vente d’une plate-forme marocaine, n’étaient que des éléments de remplissage d’un temps élastique pour arriver enfin au rendez-vous attendu, au claquement des talons sur le pavé du jardin, au coup de sonnette.



La retraite dissipe un certain nombre d’activités secondaires, annexes et collatérales. Plus de thèses à lire, plus de recensions de livres pour une revue confidentielle. Peuvent encore jouer le rôle de bouche-trous le cinéma, l’intervention dans une réunion, la lecture d’une roman policier. Mais ces éléments collatéraux par rapport à ce qui compte vraiment ne présentent plus de caractère d’urgence puisque les talons qui claquaient sur le pavé, le coup de sonnette accélérateur de flux sanguin, sont désormais du même côté de la porte et donc, la nécessité de remplissage,  d’accélérateur d’aiguilles, est moins forte.



Si toutes les activités qui prennent l’essentiel du temps ne sont que des remplissages de vide pour atteindre l’urgent, ce qui compte vraiment, alors, quand l’urgent disparaît ne reste plus que des remplissages de vide. Si ce vide n’est plus la ligne la plus courte ou qui donne le moins la sensation d’attente, qui accélère la lenteur, en lui donnant l’allure de la vitesse, entre deux événements cruciaux, entre la croix et la bannière, entre les semailles et la moisson, entre le chapeau soulevé et le sourire de bienvenue, alors ces événements subalternes deviennent primordiaux et rien n’est plus important que la précipitation vers Leroy Merlin pour acheter la vis qui manque à l’étagère, ou bien de remplir de carburant un véhicule clignotant.



Pour ne pas être réduit à des activités lilliputiennes, il faut conserver des urgences fortes. Il n’est pas impossible par exemple de remplacer le claquement des talons sur le pavé par le grincement d’une porte de jardin, le timbre de la porte par la sonnerie d’un téléphone et ainsi de conserver aux nécessités de la vie quotidienne leur caractère de subalternité. Il n’est pas impossible d’accorder à chaque petit matin le statut de grand soir, de donner à un dîner en ville l’allure d’une conspiration, de transformer une pétition en barricade.

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