lundi 28 novembre 2011

brûler les dieux

Les flammes qui brûlent les Dieux déchus sont scandaleuses. Un feu de cheminée plaît davantage. On ne vient pas se réchauffer les mains aux flammèches qui courent sur un dépôt d'ordures. Plus impressionnants Jeanne d'Arc sur son bûcher, le Che dans la forêt bolivienne, Varlin agonisant, Connolly fusillé sur un fauteuil… Pendant 35 ans, j'ai été militant communiste actif. Admirable de dévouement. Pendant tout ce temps plus ou moins complice d'un des systèmes d'asservissement des peuples le plus cruel et le plus meurtrier. Quand je prononce ces paroles dans un salon, la gêne est palpable. Chez les anciens, naturellement, qui voudraient quand même conserver quelques bijoux de famille. Chez les néo, qui voudraient redonner vie à des rêves mobilisateurs. Je ne me sens pas coupable, au sens où un assassin aurait des remords d'avoir donné des coups de couteau pour tuer. Je n'ai tué personne. Je ne vais pas aller me dénoncer au commissariat ou à la Ligue des droits de l'homme ou à la commission Vérité et réconciliation des sorties d'enfer. Je m'acharne pour les mêmes raisons que Bertold Brecht : "Le ventre est toujours fécond d'où a surgi la bête immonde". Comment peux-tu comparer les deux systèmes? Je ne compare rien. Je dis seulement que l'un des deux systèmes, le système communiste s'est réalisé au nom des principes que je défendais, avec mon soutien, avec mon acceptation et mes justifications de ses pires dérives et qu'encore aujourd'hui, chez moi et dans le monde, on brandit ses drapeaux et ses outils. Désormais, ce ne sera plus en mon nom. Contre toutes les théories avant-gardistes léninistes jusqu'auboutistes lutte de classiste, je mène le combat. Contre tous les groupes auto désignés qui sont persuadés qu'en tirant sur les tiges, la récolte sera meilleure.
            L’extrémisme de gauche est minoritaire dans les démocraties parlementaires, mais il occupe une place idéologique et morale qui dépasse son influence réelle. Il dispose d’icônes mondialement reconnues, comme Che Guevara ou le sous-commandant Marcos. De la part de la gauche modérée et parlementaire, il provoque admiration ou « compréhension ». On peut rendre compte banalement de cette empathie : ceux qui sont contraints par leur responsabilité d’admettre les compromis, de renoncer aux ambitions de jeunesse, expriment ainsi leur nostalgie. On peut aussi aller plus loin et suggérer l’hypothèse d’une complicité diffuse pour les mouvements qui partagent avec les formations classiques l’exclusion et la protection des privilèges. Sympathiser avec les pauvres dans ce qu’ils ont de plus réactionnaires, conservateurs, primitifs, c’est s’assurer qu’ils ne viendront pas concurrencer les hommes blancs de cinquante ans sortant des Grandes Écoles. Piller les boutiques, incendier des voitures, on admet que le peuple puisse ainsi se révolter par l’émeute, mais s’il prend des responsabilités, on ricane de son accent et de ses chaussures comme on ricane d’une femme politique qui prend la parole sur l’estrade d’un meeting avec des talons hauts, qui va s’occuper des enfants ?  Sympathiser avec l’émeute est beaucoup moins coûteux que de renoncer à cumuler des mandats. 

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