Serge Halimi, dans le Monde diplomatique de novembre 2011 se pose la question « où est la gauche ? » et constate sa disparition. En Europe, dit Halimi, la gauche est la gauche le temps d’une campagne électorale et ensuite elle gouverne dans l’intérêt des plus riches. Là où la gauche modérée est au pouvoir, Grève, Portugal, Espagne, elle a affronté ses cortèges d’indignés. Le continent qui a vu naître le syndicalisme, le socialisme et le communisme se résigne à leur effacement. Dans ces conditions, même si la gauche arrive au pouvoir, elle ne fera pas mieux qu’en Grèce, Portugal, Espagne. Serge Halimi conclut qu’une défaite peut avoir des vertus pédagogiques. La gauche ne se retrouve plus que dans les cortèges des « indignés » qui « se mobilisent sans savoir où les conduira leur colère ».
Les convictions de Serge Halimi ne datent pas d’aujourd’hui. Avec constance, il méne campagne contre la gauche modérée, a soutenu les expériences les plus radicales en Amérique latine, milité pour le refus d’une Europe capable de se gouverner (à quoi bon, puisque la gauche n’est plus la gauche).
Cette persistance est un fond de commerce qui ne se quitte pas si facilement. La résignation aveugle et empêche de voir les changements. Dans les trente dernières années, le monde a vu l’effondrement des dictatures communistes. Depuis le retour d’une économie de marché, des régimes parlementaires, une gauche nostalgique ne sait plus que se lamenter sur la perte des taudis à loyer modéré et des carences chroniques. Les pays d’Amérique latine se sont débarrassées les uns après les autres de leur dictature, et à l’exception de Cuba, ont installé des régimes qui sortent les peuples du sous-développement et de la misère. En Inde et en Chine, par dizaines de millions, des hommes et des femmes quittent les cloaques et les bidonvilles. Quatre pays d’Europe, Irlande, Portugal, Grèce, Espagne, étaient des poches de misère, d’émigration, de dictature et de sous-développement, ils se sont laïcisés, démocratisés, développés. Leurs graves difficultés actuelles n’effacent pas le passé. Quant aux changements dans les pays arabes, comptons sur le Monde diplomatique pour repérer dans les dix années qui viennent tous les problèmes sociaux et économiques que leur intégration dans une économie de marché n’aura pas résolu.
Sous la pression de la gauche, dans tous les pays européens, s’est mis en place un système de redistribution, de protection sociale, qui prélève la moitié du produit national dans les dépenses publiques. La droite considère que ces dépenses sont la cause première des déficits budgétaires. La gauche considère que les injustices et les privilèges coûtent plus cher au pays que la solidarité. C’est une bataille qui se mène tous les jours, et qui se mène plus facilement quand la gauche est au pouvoir. Elle se mène sans doute dans les cortèges des indignés, qui à mon humble avis, savent mieux que Serge Halimi où les conduit leur colère, car ils parlent métiers, emploi, logement, avenir, protection sociale. Elle se mène dans les lieux où la gauche est présente dans les conseils, les villes, les régions, les parlements, les associations, elle obtient des résultats et subit des défaites, elle se bat. Elle ne se mène plus au Monde diplomatique où Serge Halimi se résigne à son effacement et trouve des vertus pédagogiques à sa défaite. C’est ce qu’on appelait naguère le défaitisme révolutionnaire.
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