mardi 28 août 2012

transport


L’automobile rend autiste, le vélo ouvre au monde. La voiture se ferme à clé, se barricade, se chauffe et se climatise, se sonorise et s’imperméabilise. De l’intérieur de l’habitacle, le monde extérieur n’existe plus. Le vélo est ouvert, il n’entoure rien et dans le couple cycliste/vélo, c’est plutôt le cycliste qui protège le vélo que le contraire. Il protège la selle avec ses fesses, d’où des plaisanteries sans fin dont certaines grivoises. Il protège les pédaliers avec les pieds, couvre le cadre d’une large capote large quand il pleut, réchauffe les poignées du guidon.          Mon doudou, mon cœur, mon mignon. Le cycliste a fortement conscience de son rôle social, de son implication dans la protection de l’atmosphère, il regarde les bébés et les vieillards avec affection car chaque coup de pédale leur nettoie les poumons, leur ramone les voies respiratoires et on aime toujours ceux à qui on rend service. Le cycliste voit les piétons, repère les deux roues à essence, scrute les autos, il frôle les piétons, les regarde, leur sourit, demande pardon, excusez-moi, je suis désolé, merci, attention, ceci est une piste. Les piétons s’écartent avec amabilité, on n’en veut pas à un cycliste, si tendre, si fragile, si vulnérable. Quand une voiture renverse un cycliste, la sympathie publique n’hésite pas, elle se porte vers le cycliste, elle regarde le conducteur automobile d’un œil de jugement dernier. Un piéton provoque moins de sympathie sauf s’il est un enfant. Le cycliste se glisse dans la foule en roulant doucement ou s’il y a trop de monde, il met les pieds à terre et la main dans le guidon, avance comme un couple vers l’autel, en se regardant les yeux dans les pneus. Jamais un automobiliste ne descendra de sa voiture pour la pousser doucement vers un garage. L’automobiliste considère qu’il est partout chez lui, que le défaut majeur d’un véhicule, d’être lourd, d’occuper l’espace de dix piétons, de polluer, d’écraser, est une qualité, un instrument de domination. Il monte sur les trottoirs, tranche les pistes, bloque les portes d’immeubles, pousse les piétons sur les passages cloutés, hurle au premier obstacle, tout ralentissement est l’équivalent d’un accident vasculaire. Ah ! J’en aurais à dire sur le sujet. Mais prenons garde. Mon projet est de faciliter les relations humaines, de favoriser le vivre ensemble, de semer le care dans les mouvements urbains. Si je stigmatise ainsi l’un des termes du chaos, il ne fera plus partie de la solution, comme dans tout compromis qui se respecte, mais restera un problème à éliminer. Ma religion est faite : un jour, il n’y aura plus sur terre que des piétons, des cyclistes et des passagers. En attendant, déplaçons-nous en harmonie et de concert. Merci, passez donc, après vous, au lieu de connard enculé, tu as eu ton permis par correspondance, tu t’es vu quand tu conduis. 

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