La
fille de G. ne parle plus à son frère. Comme G. ne parle plus à sa sœur. Ces
querelles sont-elles héréditaires ? G. a rencontré une dame, F. avec qui
il tisse sa vie en points serrés. F. ne parle plus à son frère. Entre son fils
et sa fille explosent de nombreux conflits. G ne parle plus depuis longtemps à
la mère de ses enfants. Mais continue de parler à ses enfants. F. n’est pas
vraiment fâchée avec le père de ses enfants, mais ils ne se parlent plus non
plus. Sa fille a divorcé et elle ne parle plus au père de ses petits-fils. Le
fils de M. a longtemps refusé de parler à sa mère, puis il a eu un enfant et
ils se sont parlé, puis il a divorcé et maintenant, ils se parlent tout le
temps parce qu’il est dépression, ne travaille plus, demande de l’argent pour
vivre et se loger. Son ami D. a dû aller au tribunal réclamer le droit de voir
ses petits-enfants. Je pourrais continuer longtemps avec uniquement ce que je
connais directement. Je ne parle pas des taiseries, des dissimulations sonores
ou inaudibles. Ça pourrait nous rendre pessimistes, nous montrer la vie comme
un immense champ de bataille dont tous les combattants finissent par mourir,
vaincus. Or, nous vivons, nous sommes souvent contents de notre vie et de nos
relations, de notre travail et de notre retraite. Enfin, d'après les sondages.
Les gens se disent très majoritairement heureux dans leur travail, en famille,
dans leurs relations sociales et amicales. La grande majorité dit ça.
La
société, elle, dans l’ensemble, va beaucoup mieux que les individus. Si elle
allait aussi mal que les familles, les amours et toutes les embrouilles qui
nous sont familières, la société serait un insondable chaos, une guerre civile
permanente. Comment expliquez-vous que les gens soient contents de ce qui ne va
pas, et mécontents de ce qui va ? On ne peut émettre que des hypothèses. Les
sondés mentent-ils ? Ils disent qu’ils sont heureux individuellement et
malheureux collectivement. Pourquoi mentent-ils ? La réponse est
simple : parce qu’ils transforment leurs malheurs personnels en
catastrophes sociétales. Des malheurs personnels, nous sommes ou nous sentons
responsables, alors que des catastrophes collectives, tout le monde est
responsable, la société, le système, tout le monde, sauf nous.
Je
ne vois qu’une issue : installer le divan du psy sur une barricade.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire