samedi 22 décembre 2018

ce qui est rare est cher


            Ceux qui m’aiment et me suivent savent que les trottoirs de Biarritz sont malcommodes, malaisés, inaptes à soutenir les genoux arthrosés, les hanches prothésées, les roulettes des caddys, les poussettes des nouveau-nés.  La solution à ces difficultés m’est depuis longtemps apparue évidente. Puisque les trottoirs sont impraticables et les chaussées plus accueillantes, j’ai depuis longtemps quitté les trottoirs pour me déplacer sur la chaussée.

 

            Je pratique ce sport depuis quelques années. Les voitures qui me croisent ou me doublent ralentissent. Si je me range, le conducteur me remercie de la main qui ne conduit pas. Parfois, une légère accélération, un doux signal sonore m’annonce l’arrivée d’un véhicule. Jamais de remarques acerbes, jamais de klaxons déplacés. C’est pourquoi l’inquiétude de la personne avec qui je partage ma vie me semble infondée. « Un jour me dit-elle, tu te feras fauché par une voiture ». Je la rassure. A Biarritz les piétons et les etarras sont respectés.

 

            Je m’étais donc installé dans cette béatitude urbaine. Le coup de tonnerre fut d’autant plus impressionnant. Hier, vendredi 21 décembre 18,  à 12 heures 15, marchant tranquillement avenue Victor Hugo, sur la chaussée évidemment, d’une berline BMW a jailli l’insulte : « tu vas te pousser, vieux con ! ».

 

            Voici en quoi cette scène est éminemment politique. Ou bien je raconte cette histoire en boucle, comme si c’était une manifestation de gilets jaunes, et on ne retiendra qu’elle, on s’indignera de l’inconduite des conducteurs, on se rappellera comment c’était mieux avant, comment les grands-parents étaient respectés.

 

            Ou bien j’expliquerai que pendant des années et des années, j’ai marché sur la chaussée avec la tranquillité d’une perle dans son huître. Je raconterai que pendant des années, des centaines, voire des milliers de voitures m’ont entouré de leur politesse ouatée. Et que cette BMW n’est un monstre que parce qu’elle détonne dans le paysage.

 

            Plus le nombre d’homicides baisse et plus les romans noirs, les séries policières, les récits de crimes abominables rencontrent le succès.

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