mercredi 13 novembre 2019

immolation


Immolation







Un étudiant s’est immolé devant le CROUS de Lille. Aussitôt, les insoumis, les révoltés, les affamés, les précaires, les miséreux, et surtout les dirigeants politiques qui parlent à leur place, tels François Ruffin ou les porte-paroles des gilets jaunes ont sauté sur ses brûlures pour dénoncer un système inhumain qui conduit un étudiant à se sacrifier tellement il est inhumain. On l’a même comparé à Ian Palach, qui s’est immolé à Prague pour protester contre l’invasion des troupes soviétiques pour écraser le peuple tchèque. Vous ne le saviez pas, mais nous vivons dans un pays où toutes les libertés sont interdites par les tanks d’une troupe d’occupation. Une directrice d’école, déjà, n’avait trouvé que le suicide pour protester contre une vie impossible. Que peut-on faire contre le sacrifice d’une vie ? S’incliner, admirer, se recueillir.



Déjà, pendant la grève de la faim de Bobby Sands et des emprisonnés de l’IRA, la réflexion était interdite. L’opinion était bouleversée par le sacrifice suprême. On oubliait que Bobby Sands, emprisonné pour activités terroristes en bande armée, faisait grève pour obtenir le statut de prisonnier politique. Parce que exploser une voiture piégée dans un pub, c’est un acte politique comme distribuer un tract ou manifester avec une banderole.



Dans l’Irlande médiévale, quand un seigneur ne réglait pas ses dettes le commerçant s’installait à la porte de son château et entamait une grève de la faim. Jusqu’à la mort parfois. Ou parfois, le seigneur cédait et remboursait sa dette. Plus tard, un état de droit avec des cours de justice, des magistrats, des lois se mit en place. 



Et maintenant les suicides. On ne peut se faire entendre. On ne nous écoute pas. Donc il faut chaque fois franchir un palier. L’exemple fut donné par les gilets jaunes : manifester pacifiquement ne donne rien. Des grèves ne donnent rien. Donc il faut casser, piller, et oui, ils ont obtenu combien ? 13 milliards je crois. Mais désormais, ça ne suffit plus.



Surtout que les actions empêchent la réflexion. Empêchent de penser. Il faut des actes qui empêchent toute discussion. Le suicide d’un étudiant témoigne de la condition étudiante. Et qui ne sera pas convaincu n’a pas de cœur. Est réac. N’aime pas le peuple. Et les dirigeants révolutionnaires, de droite ou de gauche, vont nous démontrer que ces actes extrêmes témoignent de la condition étudiante aujourd’hui. L’étudiant qui s’est immolé triplait son année d’études.





Professeur d’université, il m’est arrivé de recevoir un étudiant que j’avais collé pour travail insuffisant. Il ne m’avait rendu aucun travail, aucun exposé, il s’était juste inscrit dans mon cours. Il n’avait assisté à aucune séance. Et le jour des résultats, il s’est présenté à ma permanence et me dit, furieux : si vous ne me donnez pas mon examen, je perds ma bourse. Il n’avait rien fait pour la conserver, sa bourse et il me demandait de le récompenser par l’inscription sur la liste des reçus.





À cet étudiant qui venait me voir, j’ai proposé de rattraper le semestre avec un calendrier serré de travaux à remettre, de lectures et d’exposés. Pendant les vacances. Il a travaillé et a conservé sa bourse. Déjà  à l’époque, je n’étais plus révolutionnaire, j’étais réformiste.

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