Murs murs
Dans la Creuse, dans un petit village nommé Vidaillat, l’école
primaire était délimitée par un mur. Le village était à ciel ouvert, mais les
classes étaient calfeutrées derrière les pierres. À Saint-Quentin, dans l’Aisne,
le lycée Henri Martin était une masse compacte cachée derrière des murs plus
hauts que ceux de la prison. C’était un lycée de garçons. Le lycée de filles, à
la libération occupait les locaux du palais de justice, le palais de Fervaques.
et les classes donnaient sur la ville. Les
lycéens d’Henri Martin pouvaient voir les lycéennes, nous leur étions
invisibles. Du Lycée Henri Martin, je migrai vers le Lycée Faidherbe, à Lille,
une caserne toute entière protégée par des murailles militaires. Du Lycée Faidherbe,
je migrais à Paris vers l’Institut d’anglais, rue de l’Ecole de Médecine, un
ancien cloître protégé par des parpaings et des portes pesantes. De là, je m’enfermais
au Lycée Saint-Louis, barricadé par d’épais remparts. Une caserne. Du Lycée Saint-Louis,
je m’évadais vers l’Université de Vincennes, des préfabriqués dans le bois,
sans enceintes, sans portes, sans murailles, à ciel ouvert, où l’on rentrait et
on sortait sans clé, sans cartes, juste pour voir. Pas question d’entrer ainsi « pour
voir » au Lycée Saint-Louis, à l’Institut d’Anglais, au Lycée Faidherbe. Peut-être
y avait-il un autre type d’enfermement, mais un enfermement qui n’avait pas
besoin de murs.
J’ai ensuite connu le
mur de Berlin, que j’ai contribué à construire en en justifiant la construction
pour des raisons prolétariennes. Ensuite, j’ai connu en Irlande les murs de Belfast
et de Derry, remparts que j’ai contribué
à détruire en déconstruisant leur construction.
Croire que les murs empêchent d’entrer ou de sortir
est une illusion. Leur unique fonction est de définir ceux qui les construisent.
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