déclin de la violence
Notes sur
le livre de Steven Pinker, The better
angels of our nature, why violence has declined. Viking, NY, 2011.
Nous
vivons le temps des peurs. Les crimes, les morts par homicide, les agressions,
occupent une place démesurée dans les bulletins d’information. Steven Pinker
prend le catastrophisme ambiant à contre pied en montrant dans son livre que la
violence a constamment décliné et que nous vivons dans la période la plus
paisible de l’espèce humaine. Pourquoi ce catastrophisme ? Parce que
personne n’a recruté de militants en annonçant que les choses vont mieux. Les
porteurs de bonne nouvelle sont priés de se taire parce qu’elles démobilisent.
Les nouveaux missionnaires, réformistes ou révolutionnaires, ont besoin de
noircir le tableau pour accroître leur influence. Une élue marseillaise est
devenue célèbre depuis qu’elle a demandé l’intervention de l’armée dans les
quartiers difficiles de sa ville. Elle peut désormais participer à la course
pour le poste de maire. Quand John Kerry, candidat à la présidentielle aux
États-Unis déclare que le terrorisme
doit être mis à sa place, qui n’est pas centrale, tout le monde lui est
tombé dessus et il a perdu des points. Les maires se précipitent pour demander
le classement de leur ville ou de leur quartier en ZSP. La peur est un
excellent argument électoral parce que celui qui a peur vote pour celui qui va
le rassurer. La peur envoie des patrouilles dans les gares et les aéroports qui
n’ont qu’un seul but : rassurer les voyageurs. Pinker compare les mesures
contre le terrorisme aux répulsifs contre les éléphants : ça marche,
puisqu’aucun éléphant ne m’approche quand je m’en asperge.
Ne pas faire de la peur le centre de notre vie
est un objectif raisonnable. La peur fausse les politiques et les
investissements. Chaque année, quatre mille personnes meurent sur les routes,
des milliers par des accidents domestiques, des centaines par noyades, chutes
en montagne, l’allergie aux cacahuètes, les piqures d’abeille et combien par
les attaques terroristes ? Quand un attentat contre les transports urbains
augmente le nombre de déplacements en voiture, il provoque plus de morts sur
les routes que les victimes de la bombe. Steven Pinker veut nous démontrer que
nous devons mieux apprécier les apaisements, les sorties de conflits, les
bonnes nouvelles. Les faits divers qui occupent tant d’espace sont broutilles
comparés aux massacres et aux tortures du passé. Ils ne sont pas les signes d’une
barbarie renaissante, mais plutôt le signe que nous ne supportons plus les
violences meurtrières. La violence recule partout, nous dit Pinker, dans la
famille, le quartier, entre tribus, entre nations et états. Dans les familles
et les écoles, la manière dont les enfants étaient domestiqués serait aujourd’hui
classée dans le chapitre tortures et mauvais traitements. Les luttes pour l’égalité
des sexes fait reculer la violence familiale. La violence criminelle dans les
sociétés développées recule constamment. Les tortures et la peine de mort sont
en recul régulier. Le terrorisme est en recul aussi. Les théories
groupusculaires qui légitimaient la terreur comme moyen de conquérir et de
conserver le pouvoir sont en recul. Les Panthères Noires, la bande à Bonnot, l’armée
Rouge en Allemagne, les Brigades Rouges en Italie, l’anarchie, la culture rock
révolutionnaire épousaient les idées marxistes sur la violence révolutionnaire.
La chute du communisme diminue la violence sociale. Fini le temps où chaque
conflit était une répétition générale de la révolution fondatrice. La
démocratie, les élections, les négociations, les compromis sont des facteurs de
paix. L’éducation, la culture, la littérature contribuent au recul de la
violence car elles développent le cercle des êtres humains avec qui nous
pouvons nous sentir en sympathie. Pinker cite La case de l’oncle Tom comme facteur d’abolition de l’esclavage. On
pourrait ajouter OliverTwist et son
influence sur les réformes des asiles, Orwell et Soljenitsyne comme facteurs de
chute des régimes totalitaires. Sur les dictatures, les romans et les films ont
parfois fait le travail que les historiens étaient interdits ou refusaient d’accomplir.
Le
lecteur sera moins convaincu par les théories cognitives sur la violence
collective ou les violences urbaines, mais sur l’ensemble du travail,
reconnaissons que la thèse générale peut changer le regard que nous portons sur
notre monde.
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