lundi 25 février 2013

déclin de la violence


déclin de la violence


Notes sur le livre de Steven Pinker, The better angels of our nature, why violence has declined. Viking, NY, 2011.

            Nous vivons le temps des peurs. Les crimes, les morts par homicide, les agressions, occupent une place démesurée dans les bulletins d’information. Steven Pinker prend le catastrophisme ambiant à contre pied en montrant dans son livre que la violence a constamment décliné et que nous vivons dans la période la plus paisible de l’espèce humaine. Pourquoi ce catastrophisme ? Parce que personne n’a recruté de militants en annonçant que les choses vont mieux. Les porteurs de bonne nouvelle sont priés de se taire parce qu’elles démobilisent. Les nouveaux missionnaires, réformistes ou révolutionnaires, ont besoin de noircir le tableau pour accroître leur influence. Une élue marseillaise est devenue célèbre depuis qu’elle a demandé l’intervention de l’armée dans les quartiers difficiles de sa ville. Elle peut désormais participer à la course pour le poste de maire. Quand John Kerry, candidat à la présidentielle aux États-Unis déclare que le terrorisme  doit être mis à sa place, qui n’est pas centrale, tout le monde lui est tombé dessus et il a perdu des points. Les maires se précipitent pour demander le classement de leur ville ou de leur quartier en ZSP. La peur est un excellent argument électoral parce que celui qui a peur vote pour celui qui va le rassurer. La peur envoie des patrouilles dans les gares et les aéroports qui n’ont qu’un seul but : rassurer les voyageurs. Pinker compare les mesures contre le terrorisme aux répulsifs contre les éléphants : ça marche, puisqu’aucun éléphant ne m’approche quand je m’en asperge.

             Ne pas faire de la peur le centre de notre vie est un objectif raisonnable. La peur fausse les politiques et les investissements. Chaque année, quatre mille personnes meurent sur les routes, des milliers par des accidents domestiques, des centaines par noyades, chutes en montagne, l’allergie aux cacahuètes, les piqures d’abeille et combien par les attaques terroristes ? Quand un attentat contre les transports urbains augmente le nombre de déplacements en voiture, il provoque plus de morts sur les routes que les victimes de la bombe. Steven Pinker veut nous démontrer que nous devons mieux apprécier les apaisements, les sorties de conflits, les bonnes nouvelles. Les faits divers qui occupent tant d’espace sont broutilles comparés aux massacres et aux tortures du passé. Ils ne sont pas les signes d’une barbarie renaissante, mais plutôt le signe que nous ne supportons plus les violences meurtrières. La violence recule partout, nous dit Pinker, dans la famille, le quartier, entre tribus, entre nations et états. Dans les familles et les écoles, la manière dont les enfants étaient domestiqués serait aujourd’hui classée dans le chapitre tortures et mauvais traitements. Les luttes pour l’égalité des sexes fait reculer la violence familiale. La violence criminelle dans les sociétés développées recule constamment. Les tortures et la peine de mort sont en recul régulier. Le terrorisme est en recul aussi. Les théories groupusculaires qui légitimaient la terreur comme moyen de conquérir et de conserver le pouvoir sont en recul. Les Panthères Noires, la bande à Bonnot, l’armée Rouge en Allemagne, les Brigades Rouges en Italie, l’anarchie, la culture rock révolutionnaire épousaient les idées marxistes sur la violence révolutionnaire. La chute du communisme diminue la violence sociale. Fini le temps où chaque conflit était une répétition générale de la révolution fondatrice. La démocratie, les élections, les négociations, les compromis sont des facteurs de paix. L’éducation, la culture, la littérature contribuent au recul de la violence car elles développent le cercle des êtres humains avec qui nous pouvons nous sentir en sympathie. Pinker cite La case de l’oncle Tom comme facteur d’abolition de l’esclavage. On pourrait ajouter OliverTwist et son influence sur les réformes des asiles, Orwell et Soljenitsyne comme facteurs de chute des régimes totalitaires. Sur les dictatures, les romans et les films ont parfois fait le travail que les historiens étaient interdits ou refusaient d’accomplir.

            Le lecteur sera moins convaincu par les théories cognitives sur la violence collective ou les violences urbaines, mais sur l’ensemble du travail, reconnaissons que la thèse générale peut changer le regard que nous portons sur notre monde.
             

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