jeudi 12 janvier 2017

réformes et révolution


Les révolutions sociales ou nationales sont le produit de divisions et d’inégalités insupportables dont profitent une minorité de privilégiés. L’aristocratie terrienne et des millions de paysans pauvres,  les deux cents familles et des millions de prolétaires, les peuples colonisés, tous ceux qui n’ont rien à perdre que leurs chaînes.

Les révolutionnaires d’extrême-gauche vivent dans ce passé et décrivent une société partagée entre le CAC 40 et le peuple misérable et exploité. La référence de Mélenchon à Zola est éloquente. Les salariés seraient dans la même situation que les ouvriers de l’Assommoir, vivant dans des taudis, sans protection sociale, et sans éducation.

Cette vision est pessimiste et misérabiliste. Elle est pessimiste parce qu’elle veut nous persuader que le mouvement ouvrier n’a rien obtenu, n’a rien changé, a laissé les prolétaires en l’état où ils étaient fin 19ème siècle. Misérabiliste dans la mesure où elle ne veut pas comprendre que la majorité des hommes et des femmes qui vivent dans les pays développés ont désormais beaucoup plus à perdre que leurs chaînes.  Qu’ils ont obtenu des droits à la santé, à l’éducation, au logement, à la formation, qu’ils sont souvent propriétaires, qu’ils ont des aspirations élevées pour leurs enfants.

Les rêves de barricades enflamment l’imagination et enfument la réflexion.   Si les réformes sont si compliquées à mettre en œuvre, c’est qu’elles touchent toujours des privilèges largement répandus. Les résistances aux réformes ne viennent pas seulement d’une infime minorité, chaque strate de la société trouve des avantages et des inconvénients aux politiques du logement, aux taxations des logements vides, aux réformes des rythmes scolaires. Dans le domaine de l’éducation, la mixité sociale est difficile à mettre en place parce que les stratégies d’évitement des écoles ne sont pas seulement le fait de familles riches, mais sont adoptées massivement par des salariés modestes. À la Goutte d'Or, les familles descendant de la migration modestement enrichis par le commerce placent leurs enfants dans des écoles privées. Dans la santé, les centres de soin ne se partagent plus entre cliniques de luxe et mouroirs. L’exemple le plus achevé étant le mouvement des femmes, car les résistances à l’égalité sont aussi fortes au niveau individuel, dans les familles et les couples, qu’au niveau public.

Les réformes sociales, les réductions des inégalités, se font nécessairement aux dépens de ces privilèges en cascade. Les chèques vacances allongent la queue devant les télésièges. L’accès de tous aux soins les plus avancés augmentent les délais d’attente. Les progrès dans l’égalité des sexes provoque des rancœurs car sur ce point Marx avait raison : le plus démuni des prolétaires trouve chez lui une prolétaire encore plus démunie qu’il peut exploiter.

Dans ces conditions, une réforme qui ne  s’accompagne pas de de pédagogie est vouée à l’échec. Il faut en permanence convaincre qu’il est de l’intérêt de tous de réparer les dégâts de la vie, d’accueillir les accidentés, de loger les SDF, de réduire les inégalités. Là où cette politique défaille, la société se divise en ghettos, construit des murailles qui enferment autant qu’elles excluent. À Paris ou à Biarritz se mène une bataille pour la mixité sociale de chaque instant, batailles où la gauche réformiste parvient à entraîner une partie des électeurs de droite sans lesquels elle serait minoritaire. Et partout, elle combat les mêmes slogans clivants : la mixité sociale, c’est la guerre fait aux pauvres à la Goutte d'Or, c’est la guerre faite aux riches à Biarritz.

Il nous revient de chercher parmi les hommes politiques qui se présentent aux élections les héritiers de ceux qui ont évité le pire à leur pays, qui ont su construire des réformes en prenant le temps du compromis, du dialogue, des négociations. Des noms surgissent : Mario Soarès au Portugal qui a su éviter que son pays ne devienne un autre Cuba, Mendès France, Jospin, Obama, Mandela. Ils ont su réformer pour mieux vivre ensemble et non pour aggraver les tensions.

Nous connaissons les noms des Chavez nationaux et Mélenchon en est un, dont le modèle est le tribun Fidel qui haranguait les foules rassemblées pendant cinq ou six heures sous le soleil cubain dans une société en ruines. Nous connaissons les noms des Trump, Erdogan et Poutine nationaux qui veulent cliver la société entre patriotes et étrangers.

Nous connaissons plus mal les héritiers des Soarès, Palme, Mendès- France, Mandela, Jospin, Schröder, Obama.  Ils n’émergeront qu’au prix d’une dénonciation permanente des Prophètes de l’Apocalypse.  

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