dimanche 8 avril 2018

sortie de clandestinité


Nous avions décidé la veille de contre-manifester. Nous avons préparé nos armes soigneusement, fiévreusement. Nous avons trouvé d’anciens parapluies ou des parapluies neufs, mais bon marché. Nous avons acheté des feutres. Le petit-fils a été mis à contribution, il a inscrit les chiffres 829 au feutre noir et a signé : YG. La nuit a été courte, nous étions excités comme des mômes à la veille d’un départ en vacances. Tout était prêt. Le co-voiturage est organisé. Nous partons en avance pour trouver une place. Nous trouvons une place. La pluie se calme un peu. Les circonstances idéales seraient suffisamment de pluie pour justifier les parapluies, car un beau soleil rendrait notre batterie de parapluies suspecte. Mais pas trop de pluie et pas trop de vent. Les dieux sont avec nous. Nous nous nous déployons, chacun séparément, chacun avec son parapluie, Brigitte avec un tee-shirt blanc marqué « 829 ». Nous approchons de l’esplanade Roland Barthes. La statue se dresse dans toute son horreur. Pour représenter l’ETA, ils ont choisi la hache. C'est à dire la violence. Ils auraient pu choisir le serpent, (la ruse) mais ils ont préféré la hache. L’artiste justifiera son choix en comparant son œuvre à Guernica de Picasso. Manque pas d’air. Je n’ai pas souvenir que la population de Guernica ait protesté contre le tableau alors que les associations de victimes de l’autre côté sont en ébullition contre cette hache. Les seuls qui sont contents sont les etarras et leurs soutiens. Otegi est ravi. David Pla (dirigeant de l’ETA emprisonné ») nous le dit : « ce qui se passe au Pays Basque Nord est exemplaire ». Bru, Brisson, Etchegarray sont au garde-à-vous.

Écoutez bien la suite. Nous ouvrons les parapluies. Et miracle. Les dizaines de journalistes derrière leur caméra, leur appareil photo, leur enregistreur, se précipitent, photographient, filment. Les médias nous sortent de la clandestinité. Depuis des mois et des mois que nous nous battons contre l’entreprise de blanchiment de la terreur, sans être guère écoutés, voilà, on commence à nous entendre.

Nous  étions six, ils étaient deux cents. Voyez comme le rapport de force commence à s’inverser. L’an dernier, ils étaient dix mille dans les rues de Bayonne. Nous étions zéro. Aujourd’hui, ils sont deux cents et nous sommes six.

Aux dernières nouvelles, la statue va être démontée et remontée jusqu’au jour où l’ETA va officiellement se dissoudre. Cette pantalonnade peut être interprétée de deux manières. Ou bien les artisans de la paix désormais transformés en « amis de l’ETA » veulent saluer la sortie de l’organisation terroriste par une dernière fête, celle de l’artiste vieillissant qui a du mal à quitter la scène.

Ou bien, ce que nous disons sur le sens de cette monstrueuse statue est vrai : elle est célébration de l’horreur et il vaut mieux attendre que le sang ait bien séché avant d’applaudir l’assassin.

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