jeudi 26 mai 2011

révolutions

Révolutions

Les soulèvements populaires dans les pays arabes visent à obtenir un régime similaire au nôtre: démocratie parlementaire, libéralisme économique, libre circulation des hommes et des capitaux. En Europe se dessinent des mouvements comparables dont le contenu est radicalement contraire: remise en cause du système parlementaire, du libéralisme économique, de la libre circulation des hommes et des capitaux.

Les "indignés" s'inspirent du libelle de Stéphane Hessel, Indignez vous. La masse des acheteurs de ce pamphlet constitue un rassemblement hétéroclite et équivoque. Beaucoup de ceux qui ont voté non au projet de constitution européenne voient dans le succès de librairie l'écho de leur campagne de 2005 alors que l'auteur appelait à voter oui et a soutenu les efforts du FMI et de DSK pour régulariser les marchés. Et voici qu'à Madrid et d'autres villes espagnoles des manifestations d'Indignados se réunissent et parlent. Ils disent que les élections ne les concernent pas, que les élus ne les représentent pas, que les jeunes diplômés ne trouvent pas de travail. Mouvement joyeux, sans violence, qui provoque un enthousiasme consensuel. En politique, quand tout le monde est d'accord, méfions-nous, il y a pibale sous caillou.

Au 19ème et 20ème siècles, la supériorité économique et militaire des puissances occidentales a été un facteur important de leur succès économiques. L'Inde, la Chine, l'Afrique, l'Amérique latine, étaient des terrains de pillage de métaux précieux, de matières premières et d'esclaves, des marchés captifs pour l'écoulement de la production des industries nord-américaines, anglaises, françaises. Ils ont aussi fourni une main-d'œuvre soumise et mal payée. Aujourd'hui, ces pays se sont émancipés et deviennent de redoutables concurrents.. Leurs industries disposent d'un marché intérieur dont la demande semble inépuisable et qui leur permet d'exporter des marchandises dont le coût en recherche et développement est largement amorti avant d'arriver dans les conteneurs. La réponse à ce défi ne peut être qu'une Europe qui fusionnera ses habitants en un marché unique, une Europe de salariés inventifs et exigeants. Les politiques d'austérité affaiblissent ce marché potentiel. Elles limitent la demande et affaiblissent ce qui fait la force de ce continent: la santé de ses habitants, la formation et l'éducation de ses jeunes, l'imagination de ses créateurs, l'inventivité de ses chercheurs. Et surtout, au lieu de s'unir contre une concurrence externe robuste, les pays européens pratiquent entre eux un repli économique qui les affaiblit. La crise provoque partout des mouvements recroquevillées: partis identitaires en Autriche, Pays-Bas, Suisse, France, Italie, en Irlande, au Pays basque. Encouragés par la couardise des dirigeants qui attribuent à Bruxelles et à la mondialisation leurs échecs et leurs erreurs, les mouvements populaires attribuent volontiers leur difficultés à trop d'Europe alors qu'elles sont en partie dues à une insuffisance d'Europe.

Devant ces mouvements considérés comme irrationnels, la gauche européenne oscille entre fascination ou suivisme. Des campements s'installent sur les grandes places de nos villes et nous nous taisons. La gauche n'est pas inerte. Elle est parcellisée. Elle n'a pas de discours simple et entraînant comme une marche guerrière. C'est à la fois sa faiblesse et son honneur. Ses militants sont engagés dans de multiples actions de solidarité. Ils sont élus et font leur travail d'élus, ils sont militants associatifs, soutiennent les sans papiers, les jeunes en difficulté. Organisent des votations citoyennes pour le droit de vote des étrangers. Activités formidables, prenantes, immenses mais que ne globalisent aucun projet cohérent d'ensemble. Quelques groupes se réunissent sur une place, entraînent des milliers d'autres jeunes, montent des tentes, disent "y en a marre" et tous les acquis obtenus par les générations passées sont oubliées. On ne vote pas parce que tous pourris, on n'est pas représentés…Le vieux rêve anarchosyndicaliste resurgit: on arrête tout jusqu'à ce que le système s'écroule et on en reconstruit un autre. C'est croire qu'on va planter des tomates dans les décombres de Tchernobyl. Dans les ruines ne poussent que des mauvaises herbes.

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