Les
enquêtes d’opinion nous le répètent : les Français se déclarent
majoritairement heureux dans la sphère privée, ils sont satisfaits de leur vie
familiale ou individuelle, mais sont malheureux dans la sphère publique. (Yann
Algan, libération, 2 avril 2013.
Parmi les raisons de l’insatisfaction, les inégalités. La France a l’un des niveaux d’inégalité
les plus bas en Europe. Mais c’est en France que les inégalités sont perçues
comme beaucoup plus injustes que dans les autres pays. Or, ce sentiment est parfaitement justifié. La
société française est très hiérarchisée et si le malaise à l’école notamment
est si fort, c’est que la France
est le pays d’Europe où le déterminisme social et économique explique le plus
les réussites scolaires. Surmonter ces blocages aurait donc des effets sur le
bien-être général.
Ruwen
Ogier (Libération, 2 avril 2013) ne regrette pas cette insatisfaction : si
les Français sont moins heureux que les autres peuples européens c’est qu’ils
accordent moins d’importance au bonheur qu’à la liberté, la justice sociale, la
solidarité. Même si cela les rend plus malheureux. Et il cite John Stuart
Mill : "mieux vaut être un Socrate malheureux qu’un imbécile heureux ".
Je
ne suis pas certain qu’on puisse choisir. Mais mon expérience de militant le
confirme. Il y a des formes d’engagement dans la vie publique qui visent à
rendre les gens heureux : les cours de yoga, les religions pentecotistes,
la relaxation, les régimes bio, les rassemblements festifs, la distribution de
drogues légales ou illégales. Ne les méprisons pas. Ils sont à la fois
agréables et nécessaires. L’engagement politique est d’une autre nature :
il vise à créer du mécontentement pour changer, réformer, faire bouger les
lignes. Il vise à transformer des imbéciles heureux en Socrates malheureux. Pas étonnant que le militant politique ne soit pas toujours bien accueilli.
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