Dimanche
21 avril 2013, sur France 5, un documentaire sur les artistes français et le
PCF. Défilent Marcel Trillat, Raoul Sangla, Jack Ralite, Aragon, Jean Ferrat,
Simone Signoret et Yves Montand, faut-il aller à Moscou ou pas après
Budapest ? Marina Vlady applaudie à Moscou. Gérard Philippe et la troupe
du TNP en tournée triomphale. Tous disent comment cette période fut
douloureuse. Dès qu’un communiste exprimait des doutes sur l’URSS, il était
ostracisé, devenait ennemi du peuple, de la classe ouvrière, complice de l’impérialisme.
Je
regarde les images étonné. Si l’émission vise à faire comprendre comment
l’aveuglement collectif fut possible, elle est travail d’histoire. Mais elle
interroge des acteurs engagés qui parlent aujourd’hui, en 2013 et savent tout.
Les camps, les tortures, les massacres, les famines. Pour tous, ce qu’ils
retiennent de cette période, c’est leur souffrance, indicible souffrance. Les
camps, les tortures, les massacres, ont fait saigner le cœur des intellectuels engagés
dans le combat communiste en France.
Si
les intellectuels évoquaient les guerres coloniales et les massacres comme cause
de souffrances morales indicibles, si les intellectuels parlaient de
l’esclavage en disant que les navires cercueils leur ont brisé le cœur, si des
conférenciers racontaient comment ce leur fut
une épreuve morale d’aller officier à Pretoria pendant l’apartheid, nous
pourrions les réconforter en rappelant d’autres douloureuses épreuves.
Dans
la France
occupée, des artistes et des intellectuels allaient se produire en spectacle
dans l’Allemagne nazie. Imaginons que quarante années plus tard, ils disent
« quand on a appris ce qu’était le nazisme, nous avons eu le cœur
brisé », sans évoquer le fait qu’un petit peu, en allant se promener
gaiement dans les rues de Berlin, ils étaient un petit peu, pas beaucoup, mais
un petit peu, complices des bourreaux. Imaginons. On a du mal à imaginer que le
fil qui a servi à coudre les étoiles jaunes et roses sur les costumes rayés
leur a aussi cousu les paupières.
Je
regarde l’émission et je constate que les artistes engagés des années cinquante
ont beaucoup souffert de leur engagement. Le cœur d’Aragon saignait, une
véritable hémorragie. Pendant ce temps, on fusillait les écrivains, les
artistes, les paysans, les ouvriers, les intellectuels, qui ne se rendaient pas
compte à l’époque à quel point ils faisaient saigner le cœur des intellectuels
français.
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