Dans la rame de métro montent des couleurs, des accents,
des langues, des bruits, des mots. Des adolescents portent capuche, écoutent de
la musique dont les voisins perçoivent les percussions et les grésillements. Des
femmes obèses portent des enfants qui crient. Ces gens ont des couleurs, des vêtements,
des accents, des mots, qui les enferment de manière visible, donc évidente, spectaculaire,
dans leur couleur, leur quartier, leurs ancêtres. Puisque tout est évident,
tout est si clair, comment éviter d’enfermer les gens que nous voyons, que nous
entendons, dans leurs seuls signes apparents ?
Il suffit de ne pas se laisser enfermer, à notre
tour, dans le rôle d’un observateur abruti et dénué de réflexion. Dans la
foule, essayons de distinguer, d’individualiser. Un jeune homme porte
serviette, chaussures cirées, cravate, iPhone. Il parle à son voisin d’une base
informatique à redéfinir, avec l’accent d’un étudiant cultivé. Il est noir.
Mais d’un seul coup, sa couleur a disparu, il est ingénieur informaticien, il
parle comme un gendre souhaité, ses chaussures brillent, sa chemise est
blanche, sa cravate Hermès, il a un bon salaire. Chez les autres, nous
oublions, paresseux que nous sommes, que l’obésité, le parler fort, les tenues
provocatrices, sont liés à la misère. Ça ne les rend pas plus agréables, ni
plus supportables. La misère n’est pas agréable, n’est pas belle, ni au soleil,
ni dans la rame de métro. Ces traits n’ont rien à voir avec la couleur ou avec
l’accent. Ce sont des comportements de misère. Ils peuvent être Roms en Hongrie,
Andalous en Espagne, Irlandais à Liverpool, Auvergnats à la Goutte d'Or, ils
parlent fort, ils sont obèses, parce qu’ils sont pauvres. Quand ils ont un bon
travail, qu’ils sont bien payés, la couleur de leur peau, leur origine
géographique ou ethnique, se dissipent. Il ne reste plus que les chaussures
cirées et la chemise blanche.
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